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24 mars 2015

My addictions of the week



Au menu cette semaine : DCI Banks, Felicity Huffman, States of Grace, Morse, Kristen Stewart, Grey's Anatomy, Caïn, American Crime, Shaun Evans, polars, SpeakBrie Larson, etc.

21 mars 2015

Still Alice

J'avais entendu beaucoup de bien de ce film, et la nomination de Julianne Moore à l'Oscar de la meilleure actrice était bon signe. Je ne suis pas allée au cinéma depuis un bout de temps, par le manque de temps et d'envie. Mais en plus de l'histoire en elle-même, le casting me semblait alléchant Julianne Moore, Kate Bosworth, Kristen Stewart, Alec Baldwin et New York city. 

L'histoire commence avec le cinquantième anniversaire d'Alice Howland, une brillante professeur de linguistics New-Yorkaise. A cette occasion, son époux John (Baldwin), leur fille ainée Anna (Bosworth) et son époux et leur fils Tom (Hunter Parrish) le fêtent au restaurant. Sa fille cadette, Lydia (Stewart) est restée à Los Angeles pour une audition. Alice a une vie rêvée : un époux charmant, trois grands enfants en parfaite santé et une grande carrière reconnue.  

Pourtant quelque chose tracasse Alice, en déplacement pour une conférence à Los Angeles, elle perd le fil de sa présentation. Elle met cet oubli au compte d'une fatigue passagère. De retour chez elle les troubles réapparaissent. Un jour qu'elle est partie faire du jogging près de la fac de Columbia où elle enseigne Alice est soudainement prise de panique : elle ignore où elle se trouve. Finalement elle retrouve ses esprits mais décide de consulter un neurologue sans en avertir sa famille. 

Ce n'est au bout que de plusieurs rendez-vous et d'examens avec son neurologue (l'un d'eux, celui du nom et de l'adresse d'une personne à retenir en début de conversation m'aura marqué, je l'ai fait comme sans doute nombre de spectateurs) que le diagnostic tombe : Alice souffre d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer. 

Sortez-vos mouchoirs ? Oui et non. Non, car le film ne tombe jamais dans le misérabilisme ou dans la guimauve. Alice, éminent professeur, dont les écrits ont été reconnus dans le monde entier n'aurait jamais accepté cette pitié. La forme précoce est généralement plus agressive. Le médecin explique qu'elle est diagnostiquée plus tardivement chez les personnes jeunes très intelligentes (comme Alice) car le cerveau a réussi à déjouer pendant un temps les premiers symptômes. 



Alice doit non seulement annoncer à sa famille ce terrible verdict, mais il apparait qu'elle souffre d'une forme héréditaire de la maladie. Ses trois enfants peuvent être atteints du même gêne. 

Je n'en dirais pas plus sur l'histoire. En évitant le pathos, et en choisissant de montrer une femme encore jeune atteinte de cette maladie, le réalisateur réussit le pari de donner un visage et des mots à une maladie que l'on associe souvent avec la vieillesse. Perdre peu à peu la mémoire, ses souvenirs, ses repères, Alice le dit très bien "mon cerveau se meurt" est terrible. 



L'autre phénomène étrange de cette maladie est la réapparition de souvenirs éloignés, de l'enfance de la personne atteinte. Je le sais car mon grand-père est décédé de cette maladie. Les premiers effets furent son désir de nous faire partager ses souvenirs de jeunesse, de son service militaire à Paris. Un soir, en rentrant d'un diner avec ma grand-mère, il est rentré "à la maison". Pas celle où il vivait depuis trente ans avec son épouse mais celle où il avait grandit. La maladie était là. 

Alice revoit sa mère et sa soeur, disparues trop tôt, et ce père qu'elle avait fui, mais qui avec le recul, avait probablement la même maladie. 

Le film est sobre, émouvant (j'ai versé ma petite larme) et pudique. 

Je tire mon chapeau à l'ensemble des acteurs. Julianne Moore y est juste incroyable. Une femme sublime dont le jeu tout en justesse et pudeur permet totalement au spectateur de s'y attacher et de s'y identifier. Si j'avais vu le film avant la cérémonie, j'aurais vraiment hésité. 

Kate Bosworth en fille parfaite, un peu trop psycho-rigide mais qui va craquer à l'annonce de la maladie. Kristen Stewart qui interprète avec tact celle qui a refusé le modèle familial en souhaitant devenir actrice mais qui sera répondre présent le moment venu. Enfin, Alec Baldwin qui a jouer cet époux, totalement dépassé par les évènements et qui voit peu à peu l'amour de sa vie lui échapper. 



Je réalise que c'est mon quatrième film avec Kristen Stewart - depuis Panic Room, Into the Wild et The Runaways et j'ai vraiment envie de la voir dans son dernier film qui lui a valu le César du meilleur second rôle féminin. Elle a une présence incroyable. 

Mon avis : 

18 mars 2015

The virgin suicides (roman)

J'ai dégoté le livre un peu par hasard, dans une boutique de livres d'occasion il y a un ou deux ans - j'avais beaucoup aimé l'adaptation cinématographique signée Sofia Coppola (1999). Puis je l'ai oublié jusqu'à cet été quand je l'ai retrouvé.

J'ai lu le roman de Jeffrey Eugenides en novembre dernier et  j'ai publié ce billet sur mon autre blog littéraire mais je souhaitais le partager aujourd'hui avec vous.

Car ce livre ..quel choc ! Un livre culte, comme le film - pourtant l'histoire est dramatique. Pour ceux qui n'ont jamais entendu parler du livre, et/ou du film, voici l'histoire en ces grandes lignes : 

Devenu adulte, un garçon (le narrateur) témoigne de l'histoire tragique de la famille Lisbon dont les cinq filles vont se suicider en l'espace d'une année. Ce garçon et ses amis, fascinés par cette famille voisine de la leur, se remémore cette période à l'âge adulte et tente de percer à jour les nombreux mystères entourant cette famille. La mère de famille, chrétienne pratiquante, va peu à peu isoler ses filles du monde extérieur après le suicide de la benjamine, les entrainant inconsciemment vers leur perte. Les sœurs vont alors s'effacer comme les visages sur les vieux polaroid. 


En lisant le livre, le visage de Lux (interprété au cinéma par Kirsten Dunst) ne cessait de m'obséder.  L’œuvre est puissante et l'adaptation cinématographique retranscrit parfaitement cette lente descente aux enfers. Les personnages sont énigmatiques pourtant le lecteur est rapidement obsédé par ces jeunes filles, comme le narrateur à l'époque des faits. Ce que j'aime dans ce roman, c'est qu'il retranscrit toute une palette d'émotions : envies, espoirs et fantasmes, qu'il a, adolescent amoureux, ressenti. Le lecteur est donc partagé entre les souvenirs (visuels, auditifs et olfactifs) du narrateur et les témoignages recueillis auprès des voisins et autres personnes qui ont pu approcher les Lisbon. 

La vision parfois édulcorée du jeune homme (nous sommes dans les années 60) apporte au roman une touche romanesque, idéalisée par son amour envers ces jeunes filles évanescentes. Et comme lui, le lecteur assiste, impuissant à la lente désintégration d'une famille, obsédée par la religion et la peur de l'autre.

"En y repensant, nous décidâmes que les filles n'avaient cessé d'essayer de nous parler, de nous demander notre aide, mais que nous étions trop amoureux pour les entendre. Notre surveillance était si concentrée que nous n'avions rien manqué sinon un simple regard rendu. Vers qui d'autres se seraient-elles tournées ? Pas leurs parents. Ni les voisins. A l'intérieur de leur maison, elles étaient prisonnières ; à l'extérieur, lépreuses. Et ainsi elles se cachaient du monde, attendant que quelqu'un - nous - les sauve". 

Le livre et le film se complètent parfaitement. A cela, s'ajoute le style de l'auteur : épuré, classique mais également très moderne et visuel.

 


Jeffrey Eugenides a écrit, sans le savoir, un roman culte, sans aucun doute - il réalise un tour de force en critiquant cette Amérique puritaine qui au lieu d'aider ses enfants à s'ouvrir au monde, les enferme et les pousse au suicide. Car si la mère vise la vertu, ses filles rêvent de liberté et leur unique moyen de l'atteindre sera par le suicide.  Terrifiant. Difficile pour moi de comprendre le raisonnement des adultes face au désarroi de leurs enfants qui rêvaient juste d'une adolescence normale. 

Vierge suicidée
Qu'est-ce qu'elle criait?
Pas de raison de rester
Dans le train du malheur
Elle m'a donné sa fleur
C'est ma vierge suicidée

Un roman à lire absolument
 

16 mars 2015

Et puis j'ai lu... un peu... beaucoup .. à la folie !



Dorénavant, je publie en majorité mes chroniques littéraires sur mon autre blog, entièrement dédié au plaisir de la lecture, Electra's amazing flying books. Je continue néanmoins à partager ici mes gros coups de cœur, comme ce le fut récemment pour Americanah et Devant moi, le monde
Mon angine m'ayant gentiment gardé au chaud plusieurs jours m'a permis de continuer sur ma lancée - je n'arrête pas de lire et je ne m'en lasse pas ! Aussi, ce billet risque d'être un peu long. J'avais 9 livres à vous présenter, j'en ai finalement sélectionné quatre : La gaieté, Pétronille, Le complexe d'Eden Bellwether et les Nuits de Reykjavik.


13 mars 2015

American Sniper

Je suis allée voir le dernier film de Clint Eastwood avec en tête le débat que ce film a provoqué à sortie, à savoir : est-ce un film à la gloire des soldats qui ont combattu en Irak, un film à la gloire de l'Amérique ou est-ce un film qui veut dénoncer les méfaits de la guerre ? Je voulais voir le film car j'aime beaucoup le travail de réalisateur de Clint Eastwood.  

Je n'ai pas été déçue même si la réponse à la question m'est venue rapidement, je vous explique pourquoi. 

La sortie du film American Sniper a coïncidé, fait du hasard, avec le procès de l'assassin de Chris Kyle, le soldat, héros et personnage principal du film d'Eastwood. J'avais lu dans la presse américaine les débats et finalement la condamnation du principal accusé, un ancien soldat, tout comme Kyle, revenu d'Irak. 

Eastwood avait lu le livre écrit par Chris Kyle surnommé la "Légende" par ses pairs, après quatre opex (déploiements) en Irak. Chris Kyle était membre de la plus grande unité de commandos, les SEALS, et de surcroit un excellent sniper. Il pouvait viser très loin (à plus d'1,5 km) et toucher sa cible. L'armée américaine lui attribuera 160 tirs réussis. Son travail ? Placé sur un toit (en Irak, les toits sont tous en terrasses) et protéger ses pairs qui avancent de maison en maison, cibles mouvantes pour les insurgés. 

Eastwood avait donc décidé d'adapter son histoire au cinéma lorsque Kyle fut tué, chez lui, au Texas, par un ancien soldat. Eastwood s'est rapproché de sa veuve et a réalisé un film, totalement concentré sur la personne de Kyle (Bradley Cooper) - avec le détail de ses quatre déploiements mais aussi à chaque fois le retour au pays, et cette dépression qui l'éloigne de plus en plus de sa famille, des siens. Kyle venait de se marier à Taya (Sienna Miller) lorsqu'il fut déployé pour la première fois, en 2003. 



L'histoire commence au Texas lorsque Kyle, enfant, est emmené à la chasse par son père - celui-ci découvre que le petit vise bien et loin. Elevé par un père conservateur, il apprend enfant que son rôle est de protéger son petit frère (qui le suivra en Irak) et sa mère.  Cet extrait est fondateur pour expliquer la personnalité presque froide et parfois déshumanisée de Kyle. Aux autres soldats qui parfois doutent, il leur répond ainsi méthodiquement "il y a l'armée, Dieu et la famille". Kyle ne se pose pas de question, il est ici pour protéger les siens. Il ne remet jamais en cause le principe de cette guerre. Cette froideur m'a parfois posé souci. 

Je vais de suite répondre à la question que je posais en aval : le film est principalement un film de guerre. 70% des scènes ont lieu en Irak, sur le front. La partie dévouée à sa rencontre avec son épouse puis ses retours au pays est peu développée. Même si à chaque fois, une scène est là pour rappeler la dépression qui ronge le soldat - Eastwood a préféré se concentrer sur Kyle - la "Légende" le sniper en action. 

Je l'ai dit souvent sur mon blog : j'ai toujours aimé les films de guerre, ne me demandez pas pourquoi. Sans doute justement pour le dépassement de soi, des hommes qui prennent soin les uns des autres et pour leur sacrifice (je parle du genre de film, pas la guerre - j'ai défilé contre la guerre en Irak) et là Eastwood a fait mouche. La réalisation des scènes de guerre est impeccable. Les choix de caméras sont excellents. Il est vrai que le film utilise à merveille la position de Kyle. Sniper, il voit le monde d'en haut et de loin - une certaine distanciation qui le protège mais l'isole, dont il finira par se lasser. 

Chris Kyle (Bradley Cooper) Dauber (Kevin Lacz)

Kyle est rapidement confronté à la réalité de la guerre, puisque sa première cible sera un enfant. La guerre est là. Moche, injuste, terrible. Pourtant Kyle y retourne, à chaque fois, 4 déploiements (9 mois à chaque fois). A son retour, il retrouve sa femme et leur petite famille s'agrandit, un garçon puis une fille. Dans la douleur, Kyle est absent. Il est obsédé par la guerre qui continue sans lui. Il est choqué de voir son pays continuer de vivre tel quel. Il repart pour protéger ses hommes. 

Kyle retrouve ainsi le Marine, Marc (Luke Grimes) chargé de le protéger. Ils passent leurs journées ensemble. Marc voit et sait tout. Kyle n'aime ni sa gloire naissante, ni être ainsi isolé des troupes aussi lors de son troisième tour, Kyle décide de descendre - d'être avec ses hommes. Kyle est proche de Biggles (Jake McDormand) et de Dauber (Kevin Lacz), ses frères. Mais la guerre perdure, l'Irak s'est transformé en second Vietnam - chaque jour des hommes perdent la vie. Les hommes avancent pas à pas, obligés d'enfoncer les portes de chaque maison pour dénicher les insurgés. Ils sont les cibles de femmes, d'enfants et d'un sniper, ancien athlète olympique syrien, qui va devenir le pire ennemi de Kyle. Son nemesis. Les deux hommes vont s'affronter pendant plusieurs années. Kyle sent la souffrance qu'il impose aux peuple irakien, victimes innocentes de ce combat.

Marc (Luke Grimes)
La guerre réclame du sang - et Kyle va perdre plusieurs frères. Il accompagne ainsi l'un d'eux à son retour au pays et assiste à son enterrement. Sa froideur envers cet homme qui l'a protégé pendant des mois, m'a littéralement refroidi. Le soldat décédé doutait de la guerre - de sa raison d'être. Kyle dit que ce sont ses doutes qui l'ont tués (faux quand on voit la scène). Kyle refuse de voir que lui-même souffre de cette guerre. 

Pour ceux qui défendent le film, en disant que le film raconte aussi cette difficile réadaptation au pays, il est évident que Kyle souffre d'une forme de dépression mais contrairement à de nombreux soldats, il n'a pas d'idées suicidaires, ne sombre ni dans la drogue, ou l'alcoolisme, n'a pas d'accès de violence et ne quitte pas sa famille. Kyle acceptera de rencontrer un psy qui l'aidera à en sortir - mais la scène dure quelques minutes au plus. Kyle, dont l'unique obsession était d'aider et de protéger ses hommes va alors rencontrer plein de soldats de retour de mission, brisés, physiquement et mentalement. Toujours passionné et reconnu par tous comme une légende, il les emmènera s'entrainer au tir. Avec de vraies balles.

J'ai beaucoup aimé ce film, mais pour les scènes de combat - je me suis sentie proche des autres soldats qui gravitaient autour de Kyle. J'ai appris que "Dauber", Kevin Lacz existe réellement. L'histoire de cet homme est impressionnante, excellent élève, il s'engagera dans les commandos SEALS, ira en Irak, travaillera aux côtés de Kyle puis de retour au pays, ira à la fac et deviendra médecin. 
Il conseillera Eastwood qui finira par le recruter pour son propre rôle ! J'ai aussi pour ma part beaucoup aimé le personnage de Marc - joué avec perfection par Luke Grimes (que je n'avais pas reconnu, je connais l'acteur, de nom - il joue dans une série télé vampiresque). J'aime sa retenue, ses doutes, et sa sagesse.  Et Biggles (Jake McDormand) et D (Cory Hardrict). Je me suis attachée à eux. 

Les acteurs sont tous formidables - Bradley Cooper en tête - il a pris 20 à 30 kilos de muscle, est méconnaissable - caché sous sa barbe. Il est même presque laid (le vrai Kyle était plus beau). Sienna Miller joue très bien son rôle de femme qui aura assumé pendant une dizaine d'années la vie de son époux. Ses dernières paroles à son encontre sonnent comme un présage. 

Je ne vous dévoile pas la dernière scène, mais sachez que celle-ci (qui continue tout le long du générique de fin) n'a pas été tournée par Eastwood. C'est cette scène qui m'a, j'avoue, fait verser quelques larmes. Etrangement, ce n'est pas pour Chris Kyle que je les ai versée mais pour tous ces soldats revenus au pays, détruits physiquement mais surtout moralement. 

J'ai vu un superbe documentaire (sur Arte je crois) qui suivait ces hommes, partis très jeunes au combat et depuis incapables de reprendre une vie normale. Tous avaient plongés (drogues, alcool) et enchainaient tentatives de suicides. Comme pour ceux revenus du Vietnam, ils se sont transformés en zombies. Je pense aussi au documentaire Of men and war de Laurent Bécue-Renard, diffusé à Cannes et au documentaire réalisé auprès de soldats français, Restrepo (2010) excellent. 

Environ 4 500 soldats ont perdu la vie en Irak entre 2003 et 2014 (pour les victimes civiles, les chiffres varient entre 150 000 à un million). 

Un général avouera qu'environ 30% de ses soldats souffraient de problèmes mentaux, et qu'une année de répit entre chaque déploiement était insuffisante. Que près de 104 000 soldats de retour d'Irak ou d'Afghanistan, entre 2001 et 2005 souffraient de post-traumatic syndrom disorder (PTSD) - insomnie, drogues, alcools, violences domestiques, fracture avec la famille. Et suicides. La guerre continuera encore plus 9 ans. 

En 2007, plus de 2300 soldats attentèrent à leurs vies, 121 moururent. La même année, plus de 12% des soldats déployés en Irak ou en Afghanistan étaient sous anti-dépresseurs. 

Cette année-là, il y eut plus de morts par suicides que de morts au combat. Depuis, certains journaux ont mis en doute les chiffres, en s'appuyant sur d'autres statistiques, qui déclarent que la majorité des suicides concernent des anciens combattants de plus de 50 ans. Et alors ? Cette nouvelle étude n'en atténue pas la catastrophe. Allez faire un tour sur net, et vous verrez le nombres de jeunes hommes qui se suicident chaque jour (une vingtaine quotidiennement).  

Cette guerre était-elle réellement justifiée ? Je vous ai dit que j'avais défilé contre l'engagement de la France à une époque. De nos jours, l'Irak est en proie à une nouvelle guerre, civile. Eastwood n'en fait pas cas, ne remet pas en question - il élude le sujet - au grand dam de nombreux critiques qui lui reproche cette mise sous silence. Mais ce n'est pas la première fois qu'Eastwood choisit de n'en faire qu'à sa tête. 

Je vous dit tout ça, mais on en oublierait presque le film. Un bon film de guerre avec en filigrane une réflexion sur la souffrance des soldats de retour au pays. La guerre ne finit jamais pour eux. Finalement, la mort de Kyle aura été comme une sortie d'ironie cruelle. Cet homme, qui avait su revenir à la vie sera mort sous les balles d'un soldat, brisé par la guerre. 


Mon avis : ♥(♥)

04 mars 2015

My addictions of the week



Au menu cette semaine : Django Unchained, The Code, Kevin Spacey, Angelina Jolie, True Detective, Dan Spielman, Morse, Robin Wright, Keri Russell, House of Cards, Aden Young, Au pays du sang et du miel, David Wenham (Faramir), Gérard Collard, The Handsome Family, etc.

01 mars 2015

Americanah

Ecrire ce billet n'aura pas été chose facile. Il y a tant de choses à dire sur ce livre.  J'avais déjà lu ci et là les avis enthousiastes d'autres blogueuses puis Chimamanda Ngozi Adishie est venue sur le plateau de La grande Librairie et j'ai su que je devais acheter le livre. Samedi dernier, je suis donc repartie avec l'épais volume d'Americanah (528 pages, broché) sous le bras.

En premier lieu, je n'avais jamais lu de roman de cet auteur, ni même de roman nigérian ou traitant de ce sujet. Ce fut donc une totale découverte. De plus, lisant qu'il s'agissait d'une belle histoire d'amour, qui n'est pas mon sujet de prédilection dans les romans, j'avais encore plus de doute. Aussi, les premies chapitres m'ont-ils paru laborieux. J'ai même eu quelques incertitudes sur ma capacité à le finir. Puis la magie a opéré .. je ne l'ai plus lâché, et être en vacances m'a permis de lire des heures et des heures à la suite. 

L'histoire ? Voici le résumé copié collé : "En descendant de l'avion à Lagos, j'ai eu l'impression d'avoir cessé d'être noire." Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à Philadelphie. Jeune et inexpérimentée, elle laisse derrière elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de l'Amérique, qui compte bien la rejoindre. Mais comment rester soi lorsqu'on change de continent, lorsque soudainement la couleur de votre peau prend un sens et une importance que vous ne lui aviez jamais donnés ? Pendant quinze ans, Ifemelu tentera de trouver sa place aux Etats-Unis, un pays profondément marqué par le racisme et la discrimination. De défaites en réussites, elle trace son chemin, pour finir par revenir sur ses pas, jusque chez elle, au Nigeria."

Ce roman se lit à plusieurs voix :
- Celle d'Ifemelu, jeune femme nigériane qui tombe amoureuse d'Obinze au lycée. Le lecteur la suit lors de son départ en Amérique pour étudier et sa difficile adaptation, puis revient avec elle au Nigeria lorsqu'elle prend la décision de retourner au pays.
- Celle d'Obinze que l'on suit dans ses pérégrinations en Angleterre. Contrairement à Ifemelu, il est l'immigrant sans papiers. Il doit se cacher, mentir, subir.

Le roman est une histoire d'amour entre deux jeunes gens, tous deux avides de réussite mais également un regard sans faille, sans oeillères sur la situation de la jeunesse dorée nigériane qui part étudier en Amérique ou en Angleterre et dont le retour au pays est difficile. C'est aussi le regard d'une jeune femme, qui une fois le pied posé en Amérique, va soudainement prendre conscience qu'elle est Noire (on ne se voit pas blanc tant qu'on n'a pas posé les pieds dans un pays où nous sommes une minorité). La romancière va faire de ce roman un essai sur sa condition de femme Noire africaine dans un pays occidental évolué. 

"Cher Noir non Américain, quand tu fais le choix de venir en Amérique, tu deviens noir. Cesse de discuter. Cesse de dire je suis jamaïcain ou je suis ghanéen. L'Amérique s'en fiche". (page 249)

Ifemelu découvre ainsi qu'elle est constamment jugée sur sa seule couleur de peau. La jeune femme tente de s'intégrer rapidement mais au fil du temps déprime. Elle ne décroche pas d'emploi, or ses études ont un prix. Elle vit chez sa tante Juju et garde l'enfant de cette dernière. Ici, pas de cadeau - leur statut privilégié au Nigéria a disparu, la tante enchaine trois jobs pour payer ses études (son diplôme de médecin n'est pas reconnu en Amérique). Ifemelu va traverser une crise identitaire : doit-elle gommer, comme beaucoup de Nigerians, tout trace de ses origines pour augmenter ses chances de réussite ? Ainsi ses compatriotes sont nombreux à effacer leur accent et les femme raidissent leurs cheveux. L'auteur s'épanche longuement sur l'aspect capillaire et j'ai pensé aux actrices Noires américaines face à l'arrivée de Lupita Nyong'o, actrice Kenyane qui ne se raidit pas les cheveux.



Elle ouvre alors un blog où elle confie ses impressions jour après jour : être Noire en Amérique, faire face aux préjugés, au racisme mais découvrir également qu'elle est aussi jugée par ses pairs, qu'elle n'est pas comme les Afro-américains, ces Noirs américains descendants des esclaves. Cette réflexion qu'elle mène dans son blog est retranscrite ici sous forme d'extraits. Tous très pertinents.

"De nombreux Noirs américains disent avec fierté qu'ils ont du sang indien. Ce qui signifie, Dieu merci, que nous ne sommes pas cent pour cent nègres. Ce qui signifie aussi qu'ils ne sont pas trop foncés (Pour être précis, quand les Blancs disent foncés, ils pensent aux Grecs ou aux Italiens, mais quand les Noirs disent foncé, ils pensent à Grace Jones). Les Noirs américains aiment que leurs femmes aient une touche d'exotisme, soient à moitié chinoise ou possèdent une goutte de sang cherokee par exemple. Ils aiment les femmes claires (...) Oh, et les Noirs américains foncés n'aiment pas les hommes clairs parce qu'ils trouvent qu'ils ont trop de succès avec les femmes." (page 242)  

Si les trois-quart du roman jugent assez sévèrement les Américains ou les Anglais (et un peu les Français) mais pour la bonne cause car tout ce qu'elle dit ou pointe fait mouche, elle n'oublie pas non plus de juger son propre peuple. Au début du roman, lorsqu'elle est adolescente, la romancière juge sans détour son pays en proie à la corruption, aux luttes intestines pour le pouvoir, aux affaires douteuses et à la course à la richesse. De retour au pays, celle qu'on surnomme dorénavant "Americanah", a ainsi du mal à s'adapter à ce pays en pleine croissance :

"Le premier contact avec Lagos l'agressa. L'agitation sous le soleil éblouissant, les bus jaunes bondés de corps comprimés, les vendeurs de rue courant en sueur à la poursuite des voitures, les publicités sur les panneaux géants (..) et les ordures s'amoncelant le long des rues comme pour vous narguer. (page 425)

Dorénavant, Lagos se développe à toute vitesse, sacrifiant au passage une partie de son histoire, de sa culture. L'image qu'elle avait gardée en quittant le Nigéria n'est dorénavant plus qu'un souvenir. Le pays avance vite, très vite et comme tout pays du tiers-monde, il ne souhaite garder aucune trace du passé.



La romancière réussit un tour  de force : nous raconter une très belle histoire d'amour tout en partageant haut et fort ses réflexions sur la race ou le statut d'immigrant, et ce sur trois continents (l'Amérique, l'Europe et l'Afrique). Une oeuvre forte et puissante qui vous ouvre les yeux sur la condition des immigrants, des Noirs mais aussi des femmes. Un livre où j'ai appris, où l'auteur m'a ouvert les yeux sur un tas d'aspects que je méconnaissais. Un livre qui m'a fait grandir, j'espère.

J'hésitais à en parler ici, mais ayant étudié dans une université huppée du Sud il y a plusieurs années, je me souviens d'avoir été choquée par certains propos tenus par des professeurs émérites (dont une de Harvard) lors d'une conférence.  J'ai comme, Ifemelu le rapporte, entendu ainsi que le racisme n'existait plus en Amérique. Jamais je n'aurais cru pouvoir entendre ces propos, mais ce fut le cas. En France, le racisme est bien présent, particulièrement en ces temps-ci, il s'affiche plus ouvertement. Il gangrène la société française. Mais jamais un politicien ou un professeur irait soutenir de tels propos. On peut afficher des valeurs républicaines mais on ne nie pas le mal quand on le voit.

Ce jour-là, la dizaine d'étudiants Noirs américains (sur environ 1 200 étudiants), étaient assis dans le fond de la salle. Ce jour-là, j'ai parlé, comme mon amie allemande - on nous a retoqué que nous ne pouvions prendre la parole vu d'où nous venions (pays du Front National et du nazisme... ). Finalement, nous devons notre salut à une vieille Dame du Sud, assise à l'avant, drapée dans sa crinoline bleue, son immense chapeau. Elle s'est levée difficilement, avec sa canne, et a répondu à ma remarque (je m'étonnais du faible nombre d'étudiants issus de minorités dans cette faculté) en m'expliquant que si on trouvait si peu d'étudiants Noirs ici, "c'est parce que le seul objectif dans la vie d'un Noir américain est un jour d'être balayeur au McDonald...".

Un silence gêné a alors empli la salle. Puis mon amie et moi l'avons remerciée pour son intervention, nous nous sommes levées et nous avons quitté la salle, suivie des étudiants Noirs. Ifemelu, se serait elle, assise devant et aurait su comment moucher cette soit-disante politologue d'Harvard.

Lisez Americanah. Moi je vais m'empresser d'emprunter ses autres livres !