!-- Font Awesome -->

26 novembre 2012

Thérèse Desqueyroux

Je ne suis pas très objective, car j'adore Audrey Tautou - en même temps, elle sait toujours choisir ses rôles et elle a eu l'opportunité de jouer dans le dernier film de Claude Miller, décédé en avril dernier.  Ce dernier avait choisi d'adapter au cinéma l’œuvre de François Mauriac, classée parmi les meilleurs livres de la première moitié du XXème Siècle.

Je n'ai pas lu le livre, aussi j'ignorais la chute de l'histoire, tout juste savais-je ce que j'avais aperçu dans la bande-annonce : dans les Landes, fin des années 20, la jeune Thérèse Larroque épouse le fils Desqueyroux - union arrangée entre propriétaires de pin, mariage de raison. Mais Thérèse est différente, elle "réfléchit" et très vite se sent emprisonnée dans cette vie bourgeoise. Elle tentera alors l'impossible pour s'en échapper.

Quelle fut ma surprise de découvrir une œuvre avant-gardiste, un livre féministe ! La salle était pleine, majoritairement de femmes et l'amie qui m'accompagnait a vécu comme moi cette plongée dans la France profonde, celle des propriétaires terriens ou les femmes n'avaient aucun rôle à part celui d'épouse et porteuse de fils héritiers. Or la jeune Thérèse "pense trop", on le lui reproche dès son plus jeune âge. C'est son mariage avec le fils Desqueyroux - et l'amour fou de sa meilleure amie pour un jeune homme, Jean Azevedo (fils de portugais juifs,  haï des Desqueyroux) qui va pousser la jeune femme à commettre l'irréparable.

A la sortie de la salle, nous avons toutes les deux eu besoin de prendre une grande respiration, de sortir de cette prison dans laquelle Thérèse est enfermée. Les mots "emmurée vivante", "prisonnière" me viennent immédiatement à l'esprit. Mon amie m'avoue être ravie de vivre à notre époque, celle où nous avons le choix, en tant que femme, d'avoir enfin le libre arbitre. Le prix à payer pour la liberté en 1930 est un prix inimaginable.


Claude Miller a fait le bon choix en confiant le rôle de cette femme à Audrey Tautou, dont la belle-famille va peu à peu l'asphyxier. Cette dernière, dans son visage parfois très fermé, comme son esprit l'est - ajoute avec son regard sombre, cette part de noirceur qui donne au personnage de l'épaisseur.  Ces gestes, même si l'un est un crime, sont guidés par une soif épanchée de vie, de liberté et lorsqu'elle commet l'irréparable, le spectateur est son complice.

La parenthèse avec Jean - le jeune homme dont s'entiche Anne, meilleure amie et belle-sœur de Thérèse est révélatrice de l'asservissement des femmes dans ces villages reculés.  Les Desqueyroux sont prêts à mentir, maquiller la vérité pour sauver leurs pins, acheter le silence pour protéger leur nom. Tant pis, si au passage, une jeune femme se meurt.

Ce film m'a permis de comprendre mieux cette époque d'avant-guerre dans lequel les femmes étaient des épouses et des mères, et devaient obéir à leurs maris. Les images souvent véhiculées à cette époque (les années Folles, les années 30) étaient des images de Paris, où les femmes coupaient leurs cheveux et portaient le pantalon, fumaient le cigare. Mais Paris n'était pas la France.


L'époux, Bernard Desqueyroux  est interprété magnifiquement par Gilles Lellouche. Il n'est pas méchant, juste l'archétype de ces fils de - obsédés par ses hectares de pinèdes, incapable d'entendre sa femme, elle "palabre" dit-il. Claude Miller permet aux spectateurs de s'identifier à Thérèse, et lorsque son époux souffre (sans doute de tachycardie), les spectateurs, complices, prient pour qu'il ne se relève pas. Il incarne à lui seul tout ce que méprise Thérèse.

Les seconds rôles sont assurés par la divine Anaïs Demoustier, très belle qui interprète la jeune Anne Desqueyroux, pleine de vie mais qui va être rapidement asservie par les siens. Par un Francis Perrin, trop discret au cinéma et le rôle du beau gosse, qui sur son voilier aux voiles rouges, incarne toute cette liberté dont rêvent Thérèse et Anne par le sensuel Stanley Weber. Ces scènes d'amour avec Anne sont magnifiques..


Claude Miller signe un très beau film, sans tomber dans la caricature - comme parfois dans certaines adaptations des films de Pagnol, où l'accent rime avec le soleil, les cigales chantent, la bonne humeur perpétuelle et où l'on oublie qu'il y avait aussi des "taiseux" et que non, contrairement à ce que les nostalgiques voudraient nous faire croire, ce n'était pas mieux avant et surtout pas pour les femmes !

Bref, j'ai été heureuse de voir un film si moderne. De nos jours, on a vite tendance à oublier que l'acquisition de nos droits, en tant que femme, sont au final très récent, au prix de nombreux sacrifices.  Attention, ce film est pesant, l'atmosphère y est lourde. Mais il n'en est pas moins très réussi.

Un coup de cœur ♥♥

4 commentaires:

  1. Je n'avais pas lu le livre non plus avant de voir ce film, mais j'ai moins aimé que toi: je n'ai pas trouvé que Thérèse tentait l'impossible pour échapper à cette existence qu'elle n'aimait pas et j'avais envie qu'elle réagisse plus! Et côté acteurs, c'est Anaïs Demoustier qui m'a fait la plus forte impression!
    Bonne journée Electra!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois qu'on a tendance à voir les choses avec nos yeux de 2012, or à l'époque de Thérèse, que pouvait-elle faire ? Concrètement, elle n'avait pas d'argent (les femmes n'avaient pas accès aux comptes en banque, ni le droit de posséder de chéquier) et surtout je pense que ce qui la retenait, c'était son enfant.

      A.Demoustier est une excellente actrice, qui avait en plus le beau rôle ;)

      Supprimer
  2. J'adore Mauriac, et cette adaptation je finirais par la voir, mais j'ai toujours l'angoisse de briser le rêve intérieur que je me fais d'un roman aimé....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je te comprends trop bien ! J'ai aussi été déçue de certaines adaptations. Je vais faire l'inverse ici, lire le livre après ;)

      Supprimer