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24 janvier 2014

Canada

Je me souviens arpenter les rayons de la librairie à la recherche de livres pour offrir à Noël. J'ai craqué pour le dernier livre de Richard Ford pour deux raisons, la première : 
- La quatrième de couverture de Canada  "D'abord, je vais raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite les meurtres, qui se sont produits plus tard".

La seconde : j'ai vécu au Montana et plus particulièrement à Great Falls. J'ai d'ailleurs consacré un billet à cet État américain peu connu des européens. Aussi, trouver un livre qui se situe dans cette petite ville de l'Ouest a fini de me convaincre. 

Richard Ford prend la voix de Dell Parsons, âgé de 15 ans qui vit à Great Falls en 1960. Fils cadet d'une famille composée d'un ancien militaire, d'une femme au foyer et d'une soeur ainée prénommée Berner,  le jeune Dell ne sent pas à sa place, ni dans cette famille, ni dans cette ville. Il rêve de partir faire des études à l'université lorsque ses parents sont arrêtés après avoir braqué une banque. Les deux adolescents qui n'ont pas d'autre famille décident de fuir avant l'arrivée des services sociaux. Dell traverse la frontière et trouve refuge dans un village du Saskatchewan au Canada quand sa soeur part rejoindre un ami en Californie. 
Très vite le jeune Dell découvre que son bienfaiteur, le mystérieux Remlinger, également américain, est aussi recherché aux États-Unis. Le jeune homme va devoir apprendre à grandir très vite dans ce milieu brutal et sauvage.

J'écris ce billet presque un mois après avoir fini la lecture, des bribes me reviennent. En premier une sensation ressentie après avoir commencé la lecture : le contrepied que m'inflige l'auteur en évitant tout sensationnalisme, en évitant une histoire à la Bonnie et Clyde - les parents de Dell sont tout sauf des braqueurs professionnels. La preuve, ils se font arrêtés presque immédiatement. Nous ne sommes pas dans Gangster Squad, et même si le jeune Dell se retrouve dans un milieu hostile, ici pas de poursuite infernale, de règlements de compte à la OK Corral.



L'auteur américain décripte avec minutie la lente désintégration du rêve américain à travers cette famille atypique. La mère, jeune femme cultivée, issue de la bourgeoisie juive signe son arrêt de mort lorsqu'elle épouse un militaire beau gosse du Sud prénommé Beverly. Très vite, la jeune femme déchante, elle doit suivre son époux au fil de ses mutations dans les bases militaires et oublier toute vie intellectuelle. Lui s'imagine toujours plus malin que les autres et quitte l'armée dans l'espoir de réussir facilement. Mais ses petits trafics vont lui coûter très cher. L'organisation même du hold up prouve son manque de discernement : il ne cache même pas son visage, croyant à tort et travers qu'une distance de plusieurs kilomètres suffit à le protéger. 

Les enfants grandissent entre cette mère dépressive et ce père immature, et doivent très vite trouver leur place. Le jeune Dell raconte sa jeunesse alors qu'il est à la retraite et a finalement réussi sa vie. J'ai été vraiment émue par le témoignage d'amour du fils pour ses parents, pour sa mère (qui ne supportera pas l'enfermement) et même pour son père, un doux rêveur. Dell ne juge pas.

Mon deuxième ressenti est la sensation d'arrêt sur image - comme si ces paysages canadiens immenses, sauvages où le jeune homme vit en partie de l'année totalement isolé de ces semblables (il est logé dans une vieille bicoque loin de la ville) ont le pouvoir de figer le temps. En venant se réfugier de l'autre côté de la frontière, le jeune homme a souhaité effacer son passé mais se retrouve piégé dans un monde presque irréel, dernier Far West en ce 21ème siècle.


Richard Ford aime ses personnages, qu'ils soient bons ou mauvais - il leur accorde toujours son soutien et son respect et possède un talent indéniable pour décrire la vie de couple, les secrets, les failles, les non dits mais aussi l'amour maladroit de parents pour leurs enfants.

Enfin, je n'ai pas pu m'empêcher de revoir la ville de Great Falls défiler devant mes yeux et les immenses plaines qui l'entourent, et au loin les majestueuses Montagnes Rocheuses. Pour qui n'a jamais mis les pieds là-bas, les plaines sont sans fin - on peut voir les éclairs caresser le sol et remonter au ciel, la pluie tomber à plus de vingt kilomètres, admirer les arcs-en-ciel dans la totalité de leur arc. Un paysage époustouflant. Merci M.Ford. 

2 commentaires:

  1. Ah oui, ce roman ne peut que faire écho en toi! Tu me donnes très envie de le lire, pour de dépaysement justement. J'en avais déjà entendu parler à La Grande Librairie, à sa sortie.

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    1. Oui, il avait reçu de bonnes critiques (et d'autres plus mitigées, car le rythme est lent mais c'est l'ambiance qui le veut).

      Je le conseille pour ma part !

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