!-- Font Awesome -->

05 avril 2011

The Company Men

Les médias ont quelque peu oublié de parler de ce film. Pourtant il a reçu d'excellentes critiques, le sujet est vraiment d'actualité : la récession économique et le chômage. Mais c'est sans doute aussi la raison de cette mise à l'écart, on n'aime pas en parler, ou alors sous forme de documentaires. 

Depuis les années 70 et la vague de films "sociaux", les américains ont préféré se concentrer sur la réussite. The Company Men raconte l'histoire d'une ville (Boston), d'une entreprise (GTX) faisant vivre des milliers d'hommes (et leurs familles) et  de la crise financière de septembre 2008.

Bobby Walker (Ben Affleck) est l’incarnation même du rêve américain : il a un très bon job, une merveilleuse famille, et une Porsche toute neuve dans son garage. Mais lorsque la société qui l’emploie réduit ses effectifs, Bobby se retrouve au chômage, tout comme ses collègues Phil Woodward (Chris Cooper) et Gene McClary (Tommy Lee Jones). Les trois hommes sont alors confrontés à une profonde remise en cause de leur vie d’hommes, de maris et de pères de famille (Allôciné)


Maria Bello
Les premières images du film illustrent parfaitement la réussite en filmant un quartier huppé de Boston, où les maisons (des mansions) immenses rivalisent de luxe : piscine, voitures de sport et de collection, jardins immenses. Leurs propriétaires partent travailler dans la même entreprise : GTX - ils sont cadres supérieurs et affichent de manière ostentatoire leur réussite : porche, console à 16 000 $, écran plasma,  derniers appareils à la mode, cuisine de rêve, etc. Pourtant, c'est une douche froide qui les attend, la crise financière vient de s'abattre : les cours de la Bourse s'effondrent et les actionnaires perdent des sous : la solution ? Jim Salinger, le CEO (PDG) et son meilleur ami  et  vice-Président Gene McClary (Tommy Lee Jones) procèdent à une première vague de licenciement, 3 000 salariés et une dizaine de cadres, avec l'aide de la RH, interprétée par l'impeccable Maria Bello.

Bobby Walker, cadre supérieur depuis douze ans fait partie de la première vague. Tout s'écroule, comme pour son collègue, Jim Woodward qui sombre dans la dépression. Leur employeur leur a mis à disposition une agence pour les aider à constituer des cv et trouver un job, avec trois mois de salaires. Mais les licenciements sont si nombreux que Bobby va de désillusion en désillusion, les dettes s'accumulent, l'emprunt de la maison, les crédits, les abonnements, un train de vie incompatible avec les deux parents sans emploi. On assiste à la lente déchéance de ce pur exemple de la réussite américaine, idem pour les deux autres personnages.

Jim Woodward (Chris Cooper) postule pour un poste
En aparté : aux USA, les licenciements se font sans préavis, on vous annonce votre licenciement et on vous donne deux boîtes en carton, et une heure plus tard ciao. Là-bas, les mutuelles  (assurance santé pour vous et vos proches) sont liées à votre emploi (il n'y a pas de sécurité sociale, uniquement l'équivalent de la CMU pour les plus pauvres), votre retraite est sous forme de fonds de pension qui disparaissent avec les stock options, aussi très vite la spirale s'installe. Les américains vivent à crédit, des crédits à taux variables (crédits contractés pour leurs études, maison, voitures, etc.). Le personnage de Chris Cooper, Jim Woodward est encore plus troublant, un homme âgé de 60 ans, dont la femme est malade et la fille doit entrer l'université et à qui ont dit d'oublier quarante ans de carrière, de teindre ses cheveux et de croiser les doigts.

Ben Affleck joue parfaitement son rôle du cadre sup à qui tout a souri et a toujours pris tout pour argent comptant, il est dans ce film très bien entouré, par Rosemarie DeWitt qui joue Maggie, sa femme. J'ai eu du mal à savoir où je l'avais déjà vue, elle est formidable, elle porte sur ses épaules toute sa famille. Le couple est crédible.

A noter la présence à la fois discrète et essentielle de l'américain "classique" joué par Kevin Costner, petit entrepreneur, il représente cette Amérique où l'homme travaille, gagne suffisamment pour offrir une maison et une vie de famille, sans chichi, pas de luxe, il reproche (sous forme de blagues) à son beau-frère d'avoir fait partir tous les jobs à l'étranger, privilégier les actionnaires, et il n'a pas tort.

Le film démontre bien qu'aujourd'hui les entreprises sont détenues par les actionnaires qui préfèrent virer des milliers d'employés plutôt que de changer leur train de vie. L'exemple viendra du troisième personnage, Gene McCleary (Tommy Lee Jones), Vice-Pdg, son licenciement est une surprise pour tous, sauf pour lui. Son meilleur ami est Jim Salinger, ils ont créé GTX et très vite sont devenus multimillionnaires, loin du monde réel du travail, mais si Jim Salinger accepte de licencier et de faire le jeu des actionnaires, Gene McCleary refuse et finit par être lui aussi viré.

Tommy Lee Jones et Ben Affleck - Copyright Geckomovies
La crise va opérer chez Gene McCleary une véritable prise de conscience, elle va lui rappeler ce que le terme entreprise (company) signifie réellement. J'aime beaucoup Tommy Lee Jones, il a une présence indéniable, un charisme toujours impressionnant, il vole la vedette à tous ses partenaires, j'ai aussi réalisé que sa voix est unique (j'ai vu le film en vo) - une voix magnifique qui oblige le spectateur à l'écouter. Sans doute la plus belle voix du cinéma !

Lorsqu'il reprend contact avec Bobby et l'emmène voir les chantiers navals à l'abandon, il réalise alors le chemin parcouru et la fierté qu'il avait à l'époque d'offrir à ses employés un job, une mutuelle, les moyens de subvenir à leurs familles et s'acheter une maison. Loin des actionnaires, de la bourse, des requins de la finance. Etc. Évidemment, le film reste américain, et vous savez que les américains n'ont pas pour habitude de se laisser abattre, aussi le film se termine sur une touche d'espoir.

A noter l'attachement de Ben Affleck pour Boston, ville qu'il aime beaucoup (cf. son film The Town, dont j'avais parlé ici ou Gone Baby Gone). La ville est magnifiquement filmée, j'avoue que le domaine des chantiers navals et la construction de navires m'a évidemment fait penser à Saint-Nazaire. Une ville d'Irlandais et de travailleurs.

J'ai aimé la musique du film, et avis personnel plusieurs chansons du Boss auraient trouvé ici leur place ! Bref, un film intelligent, brillamment interprété. Un bon moment de cinéma.

1 commentaire: