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01 février 2016

Spotlight

Il me tardait de voir ce film ! C'est chose faite. Après quelques frayeurs, Gaumont Nantes n'apparaissait pas dans la liste des cinémas diffusant le film (il était dans leur petit programme mais pas sur le site d'Allôciné). Finalement, le film est bien diffusé, en vf et en vo. J'ai choisi une séance en vo pensant être reléguée dans une petite salle, erreur ! C'était dans la salle principale et la salle était presque pleine quand je suis arrivée.  Moi qui adore ce genre de films (une enquête de longue haleine menée par des journalistes), je ne croyais pas que tant de gens pouvaient être aussi intéressés.

L'histoire est basée sur des faits réels. En 2001, une équipe du journal du Globe à Boston a mené une enquête de longue haleine (8 mois) sur l'Eglise Catholique. Boston est une ville ouvrière, avec une forte population catholique (irlandaise et italienne). L'Eglise est présente partout : les écoles, les centres de loisirs sont gérés par le Diocèse. Le Globe doit accueillir son nouveau chef, en provenance de Miami. Marty Baron (Liev Schreiber) découvre l'équipe "Spotlight". Celle-ci mène des enquêtes secrètes qu'elle ne partage qu'avec le rédacteur en chef du journal. Ils sont installés au sous-sol et ne communiquent pas ou peu avec leurs collègues. Baron leur propose un jour de pousser leur enquête sur l'église. Le Globe a publié des articles au fil des ans sur des histoires supposées de pédophilie mais n'a jamais mené une véritable enquête depuis deux affaires célèbres, où deux prêtres avaient été poursuivis en justice. L'un d'eux, Geoghan, a été accusé d'avoir à lui seul fait plus d'une centaine de victimes. Le Diocèse, représenté par l'éminent Cardinal Law, a toujours maintenu ne pas être au courant des faits. L'équipe du Spotlight se met au travail. 



Ils retrouvent des articles qui remontent aux années 80 et rencontrent les avocats des victimes de Porter. Ils découvrent (comme moi) qu'il y a prescription pour abus sexuels au bout de trois petites années, or les victimes attendent souvent l'âge adulte pour enfin raconter ce qui leur est arrivé. De plus, l'Eglise est protégée car même en dédommagement civil, elle ne peut être condamnée à verser plus de 20 000$ ! Mais en fouillant dans leurs archives, ils rencontrent une association de victimes qui va leur apporter leurs premiers noms et leurs premières pistes. Et l'un des journalistes (Mark Ruffalo) entre en contact avec un ancien prête devenu chercheur et qui enquête depuis trente ans sur les prêtres pédophiles. 

Peu à peu, les langues se délient, l'avocat de l'Eglise leur apporte quelques noms. Et le pire se produit : la liste des prêtres soupçonnés s'allongent à n'en plus finir. Croyant s'arrêter à 13, ils tombent des nues en découvrant le chiffre réel. Face à l'omerta, aux pressions à peine déguisée de l'Eglise, au silence des avocats, à la réticence même de la justice de leur donner accès à d'anciennes plaintes, l'équipe doit aller frapper à chaque porte, écouter en détail le témoignage de ces hommes, adultes à présent, et toujours brisés par ce qu'ils ont vécu. 



Je n'en dirais pas plus, mais comme d'habitude, j'ai été happée par l'histoire, les personnages et leur volonté infaillible de livre à leurs lecteurs une enquête poussée au bout. Ce qu'ils feront. Et qui leur vaudra même le Prix Pulitzer. Mais derrière cette enquête, on découvre surtout tout un système que l'Eglise a mis en place pour protéger ces hommes malades, pédophiles et s'arranger pour que les familles refusent de porter plainte. Les spectateurs présents dans la salle n'ont pas pu, comme moi, s'empêcher d'exprimer leur dégoût et étonnement face aux chiffres ou aux paroles prononcées par certains membres de l'église. 

Les acteurs sont tous formidables, j'adore Rachel McAdams et c'est toujours un plaisir de la retrouver dans ce genre de rôle (mon autre film préféré du genre est Jeux de Pouvoirs où elle jouait déjà une journaliste). Mais Michael Keaton, Mark Ruffalo, Liev Schreiber ou John Slaterry sont tous parfaits. Le personnage de Mark Ruffalo est touchant. Et j'ajoute Stanley Tucci qui est tout simplement génial dans ce rôle d'avocat dévoué lié par les liens du secret. Oh zut, idem, l'autre avocat (qui rappelle qu'il avait alerté le journal sans succès 5 ans auparavant) joué par Billy Crudup est aussi très bien interprété. Rappelez-vous que tous ces journalistes sont réels et étaient présents à la première du film.



Ce n'est pas un film d'action, alors n'y allez pas si vous voulez des courses poursuite, un rythme effréné. Vous verrez bien le personnage de Ruffalo courir, mais c'est pour accéder à des documents avant les autres journaux concurrents. Ici, le réalisateur a choisi de montrer le travail ingrat qu'est souvent le journalisme d'investigation : les heures passées au téléphone, celles à lire, relire, à aller frapper des portes, à se voir rejeter la majorité de leurs demandes. Mais au final, ils arrivent toujours à trouver une porte ouverte. L'autre point intéressant du film est l'hésitation du rédacteur-chef entre deux enquêtes : la manière dont l'Eglise, au courant, a tout fait pour protéger et cacher cette épidémie de pédophilie en son sein ou comment depuis des années quelques avocats se font de l'argent en signant des pactes de confidentialité entre les familles des victimes et l'Eglise, empochant au passage une coquette somme.

Bref, le film interroge vraiment le citoyen que l'on est sur les pouvoirs de l'Eglise. Et puis, j'ai adoré retrouver Boston, une ville qui m'attire toujours.

Un film passionnant et instructif. 

Mon avis : 


05 avril 2011

The Company Men

Les médias ont quelque peu oublié de parler de ce film. Pourtant il a reçu d'excellentes critiques, le sujet est vraiment d'actualité : la récession économique et le chômage. Mais c'est sans doute aussi la raison de cette mise à l'écart, on n'aime pas en parler, ou alors sous forme de documentaires. 

Depuis les années 70 et la vague de films "sociaux", les américains ont préféré se concentrer sur la réussite. The Company Men raconte l'histoire d'une ville (Boston), d'une entreprise (GTX) faisant vivre des milliers d'hommes (et leurs familles) et  de la crise financière de septembre 2008.

Bobby Walker (Ben Affleck) est l’incarnation même du rêve américain : il a un très bon job, une merveilleuse famille, et une Porsche toute neuve dans son garage. Mais lorsque la société qui l’emploie réduit ses effectifs, Bobby se retrouve au chômage, tout comme ses collègues Phil Woodward (Chris Cooper) et Gene McClary (Tommy Lee Jones). Les trois hommes sont alors confrontés à une profonde remise en cause de leur vie d’hommes, de maris et de pères de famille (Allôciné)


Maria Bello
Les premières images du film illustrent parfaitement la réussite en filmant un quartier huppé de Boston, où les maisons (des mansions) immenses rivalisent de luxe : piscine, voitures de sport et de collection, jardins immenses. Leurs propriétaires partent travailler dans la même entreprise : GTX - ils sont cadres supérieurs et affichent de manière ostentatoire leur réussite : porche, console à 16 000 $, écran plasma,  derniers appareils à la mode, cuisine de rêve, etc. Pourtant, c'est une douche froide qui les attend, la crise financière vient de s'abattre : les cours de la Bourse s'effondrent et les actionnaires perdent des sous : la solution ? Jim Salinger, le CEO (PDG) et son meilleur ami  et  vice-Président Gene McClary (Tommy Lee Jones) procèdent à une première vague de licenciement, 3 000 salariés et une dizaine de cadres, avec l'aide de la RH, interprétée par l'impeccable Maria Bello.

Bobby Walker, cadre supérieur depuis douze ans fait partie de la première vague. Tout s'écroule, comme pour son collègue, Jim Woodward qui sombre dans la dépression. Leur employeur leur a mis à disposition une agence pour les aider à constituer des cv et trouver un job, avec trois mois de salaires. Mais les licenciements sont si nombreux que Bobby va de désillusion en désillusion, les dettes s'accumulent, l'emprunt de la maison, les crédits, les abonnements, un train de vie incompatible avec les deux parents sans emploi. On assiste à la lente déchéance de ce pur exemple de la réussite américaine, idem pour les deux autres personnages.

Jim Woodward (Chris Cooper) postule pour un poste
En aparté : aux USA, les licenciements se font sans préavis, on vous annonce votre licenciement et on vous donne deux boîtes en carton, et une heure plus tard ciao. Là-bas, les mutuelles  (assurance santé pour vous et vos proches) sont liées à votre emploi (il n'y a pas de sécurité sociale, uniquement l'équivalent de la CMU pour les plus pauvres), votre retraite est sous forme de fonds de pension qui disparaissent avec les stock options, aussi très vite la spirale s'installe. Les américains vivent à crédit, des crédits à taux variables (crédits contractés pour leurs études, maison, voitures, etc.). Le personnage de Chris Cooper, Jim Woodward est encore plus troublant, un homme âgé de 60 ans, dont la femme est malade et la fille doit entrer l'université et à qui ont dit d'oublier quarante ans de carrière, de teindre ses cheveux et de croiser les doigts.

Ben Affleck joue parfaitement son rôle du cadre sup à qui tout a souri et a toujours pris tout pour argent comptant, il est dans ce film très bien entouré, par Rosemarie DeWitt qui joue Maggie, sa femme. J'ai eu du mal à savoir où je l'avais déjà vue, elle est formidable, elle porte sur ses épaules toute sa famille. Le couple est crédible.

A noter la présence à la fois discrète et essentielle de l'américain "classique" joué par Kevin Costner, petit entrepreneur, il représente cette Amérique où l'homme travaille, gagne suffisamment pour offrir une maison et une vie de famille, sans chichi, pas de luxe, il reproche (sous forme de blagues) à son beau-frère d'avoir fait partir tous les jobs à l'étranger, privilégier les actionnaires, et il n'a pas tort.

Le film démontre bien qu'aujourd'hui les entreprises sont détenues par les actionnaires qui préfèrent virer des milliers d'employés plutôt que de changer leur train de vie. L'exemple viendra du troisième personnage, Gene McCleary (Tommy Lee Jones), Vice-Pdg, son licenciement est une surprise pour tous, sauf pour lui. Son meilleur ami est Jim Salinger, ils ont créé GTX et très vite sont devenus multimillionnaires, loin du monde réel du travail, mais si Jim Salinger accepte de licencier et de faire le jeu des actionnaires, Gene McCleary refuse et finit par être lui aussi viré.

Tommy Lee Jones et Ben Affleck - Copyright Geckomovies
La crise va opérer chez Gene McCleary une véritable prise de conscience, elle va lui rappeler ce que le terme entreprise (company) signifie réellement. J'aime beaucoup Tommy Lee Jones, il a une présence indéniable, un charisme toujours impressionnant, il vole la vedette à tous ses partenaires, j'ai aussi réalisé que sa voix est unique (j'ai vu le film en vo) - une voix magnifique qui oblige le spectateur à l'écouter. Sans doute la plus belle voix du cinéma !

Lorsqu'il reprend contact avec Bobby et l'emmène voir les chantiers navals à l'abandon, il réalise alors le chemin parcouru et la fierté qu'il avait à l'époque d'offrir à ses employés un job, une mutuelle, les moyens de subvenir à leurs familles et s'acheter une maison. Loin des actionnaires, de la bourse, des requins de la finance. Etc. Évidemment, le film reste américain, et vous savez que les américains n'ont pas pour habitude de se laisser abattre, aussi le film se termine sur une touche d'espoir.

A noter l'attachement de Ben Affleck pour Boston, ville qu'il aime beaucoup (cf. son film The Town, dont j'avais parlé ici ou Gone Baby Gone). La ville est magnifiquement filmée, j'avoue que le domaine des chantiers navals et la construction de navires m'a évidemment fait penser à Saint-Nazaire. Une ville d'Irlandais et de travailleurs.

J'ai aimé la musique du film, et avis personnel plusieurs chansons du Boss auraient trouvé ici leur place ! Bref, un film intelligent, brillamment interprété. Un bon moment de cinéma.