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16 novembre 2014

Dans les prisons de Nantes...

Y avait un prisonnier
  Y avait un prisonnier....

Aujourd'hui, je vous emmène pour une balade nantaise atypique. Çà y est, vous avez l'air de la chanson en tête ? 


La maison d'arrêt de Nantes, rue Descartes, en plein centre-ville a fermé ses portes en juin 2012. Avant sa démolition partielle, les associations Genepi et Humani'Art ont souhaité réinvestir ce lieu historique, d'une part en ouvrant ses portes au public et d'autre part en laissant les artistes locaux investir le lieu. 

En route donc, pour cette "prison" ouverte en 1869 un an après la gendarmerie, œuvre de Joseph-Fleury Chantenay,  à deux pas de l'ancien palais de justice (transformé en hôtel de luxe).

La prison, le palais de justice et la gendarmerie tenaient dans un mouchoir de poche. L'idée ingénieuse de l'époque avait été de créer des tunnels reliant les trois bâtiments sans avoir à craindre les mouvements de foules. Vétuste, elle avait été rénovée dans les années 70 et en 1988 et ne pouvait normalement accueillir que 400 personnes détenues, mais on comptait près de 1100 personnes peu avant sa fermeture (dans des cellules de 9m2).

Avant la visite en "photos", sachez que la nouvelle maison d'arrêt a été construite à la limite de la ville de Nantes, dans une zone d'entreprises, près de Carquefou - très loin de la rue Descartes, en plein centre-ville. S'il est évident que l'ancienne maison d'arrêt était vétuste, petite et difficile à rendre accessible, elle avait néanmoins l'avantage (comme beaucoup d'autres prisons en France) d'être au coeur de la ville, les personnes détenues (en maison d'arrêt on accueille les personnes en attente de leur procès ou condamnées à de courtes peines), pouvaient ainsi apercevoir de leurs cellules les enfants aller jouer au square, les habitants faire leurs courses, entendre les cloches, les voitures. 

Il a été ainsi constaté, partout en France, depuis les fermetures des prisons citadines, que le nombre de suicides a augmenté de manière sensible dans toutes ces prisons modernes construites à l'extérieur. 
Je connaissais pour ma part une partie de maison d'arrêt, ayant été visiteuse de prison pour la Cimade. Mais je n'avais jamais eu accès aux cours de promenade, à la Chapelle ou aux cellules. Après une heure et demi d'attente (plus de deux cent personnes faisaient la queue), nous sommes enfin entrées dans la prison.  L'entrée, la petite cour et le premier bâtiment (anciennement l'infirmerie) vont être conservés, le reste sera démoli et des logements et commerces seront construits.

En route ! 


 Le préau d'une des quatre cours de promenade a été investi par les artistes locaux.


  




Photo ci-dessus : le "rond-point" où les gardiens étaient installés, les personnes détenues circulaient autour d'eux (pour aller travailler, au parloir, à l'infirmerie). Je connais bien ce lieu, je me souviens croiser ces personnes vaquant à leurs occupations. 



 Pour rappel, les lieux sont abandonnés depuis juin 2012 accélérant le phénomène de vétusté.



Ci-dessous le fameux judas, par lequel le gardien peut "mater" quand il le souhaite à l'intérieur de chaque cellule, d'où son surnom de maton. En France, une cellule est un endroit public. Les cellules, construites pour accueillir 1 personne, en accueillait souvent 3 ou 4. Les fortes chaleurs l'été, le manque d'hygiène, poussaient les personnes à hurler leur désespoir, les habitants du quartier en ont souvent témoigné.

 Vue inversée : 

 


Comme je le disais, les artistes locaux ont investi les lieux, même les cellules :







 La Chapelle (photo du milieu) accueillait la messe tous les dimanches, c'était le seul lieu où les personnes détenues pouvaient ainsi se retrouver, les repas étant pris à l'intérieur des cellules. La France, devenue pays laïc a ouvert ses portes aux autres cultes. Finalement, la salle de la chapelle sera transformée en salle de sport. 




L'association Humani'Art y organise des concerts le soir très prisés des Nantais (avant la démolition). 



Aujourd'hui, les études ont prouvé que les personnes détenues ayant accès au téléphone, au parloir afin de maintenir le lien avec leurs familles ou amis vivent mieux leur détention, ont moins d'appréhension à l'approche de leur libération. En France, le règlement intérieur est entièrement rédigé par le directeur de la prison. Certains préfèrent ainsi fermer les yeux sur l'apparition des téléphones portables en prison, quand d'autres les interdisent et organisent régulièrement des fouilles. 

La personne détenue dont le comportement était agressif ou violent, ou enfreignait une des règles était envoyée au "mitard". A une époque, la personne y était envoyée nue, sans matelas (exemple Mesrine).  Elle était sortie une heure par jour dans une cour de promenade individuelle. Celle-ci était grillagée, une petite partie du grillage était vitrée pour servir de préau en cas de pluie. Depuis leurs appartements, les habitants du quartier pouvaient apercevoir ces petites cours de promenade minuscules. Les personnes détenues pouvaient elles entendre les voitures, les cloches, les enfants jouer... 






Si les lieux ont rapidement vieilli, l'humidité installée, sachez qu'il existe encore en France des lieux de détention identiques (la prison des Baumettes par exemple). Je vous invite à regarder le film d'Audiard, Le Prophète.

En France, la politique gouvernementale est de construire des prisons, les services pénitentiaires sont dans l'incapacité de préparer la sortie des personnes détenues, l'accès à une aide psychologique est difficile, il manque plus de 600 enseignants.  En Scandinavie, les prisons ferment, la récidive ayant chuté de manière drastique depuis que les gouvernements ont décidé d'investir dans l'avenir des personnes détenues. 

La France a été régulièrement condamnée par la Cour européenne des Droits de l'Homme pour ces conditions inhumaines de détention. Nantes accueille aujourd'hui trois centres, la maison d'arrêt de Carquefou, un centre de détention au nord de la ville et un centre fermé pour mineurs.

Je remercie les bénévoles de Genepi pour leur patience et gentillesse.



6 commentaires:

  1. Merci pour cette visite.
    Est ce qu'il est possible de s'y rendre pour admirer les oeuvres artistiques ou est-ce un privilège que tu as eu ?

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    1. De rien ! Les visites sont terminées (je crois que j'étais à la dernière), pour les soirées festives organisées, la dernière avait lieu samedi également. Voici le lien du site si parfois ils en organisaient de nouvelles vu le succès mais la bâtiment étant voué à la démolition, ils n'auront pas trop le choix : http://trkrt.com/

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    2. Arf mince trop tard. Tant pis pour moi !

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    3. Oui, je me rends compte aussi que j'ai eu de la chance car à un jour près, je loupais la visite. Le Genepi a parlé de la prison à Rennes, j'ignore si leur comité régional organise également des expos.

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  2. Merci pour la visite !
    Un de mes PP s'est retrouvé à la rue alors qu'il était pré-adolescent et il s'était réfugié dans une prison (ironie...) abandonnée en centre ville (aux USA), mais ça le déprimait pas mal d'entendre la vie continuer autour de lui...

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    1. De rien ! Je vois qu'on a confié à Dominique Raimbourg une mission de trouver une solution à la surpopulation carcérale (mission à accomplir en 20 jours...).

      Je ne pourrais pas rester dans un tel lieu, je pense que je ferais des cauchemars la nuit (les fantômes) ;-)

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