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15 août 2010

L'épreuve

En faisant un peu de tri dans ma bibliothèque, j'ai retrouvé un de mes livres préférés, que je n'ai pas mentionné dans le questionnaire ou dans ma page dédiée aux livres. Pourtant, des années après sa découverte, j'en garde un souvenir intact. Il ne s'agit ici ni d'un roman, ni d'un thriller mais d'un témoignage. Son auteur est malheureusement décédée l'an dernier, à l'âge de 48 ans. J'ai retrouvé sur le web un article publié juste après, il raconte bien la vie très courte et très intense de l'auteur, qui a vécu une histoire extraordinaire mais finalement ne s'en est jamais complètement remise.

Béatrice Saubin était cette femme. Son enfance aurait pu faire l'objet d'un roman, sa vie d'un film. Isabelle Adjani devait d'ailleurs l'interpréter mais bizarrement le projet fut abandonné.
Fille d'une prostituée et d'un militaire qui ne fit que la reconnaître, Béatrice fut élevée par une grand-mère acariâtre dans un tout petit appartement (elle ne supporta jamais l'exigüité d'un lieu) de banlieue. Rêvant de liberté, de richesses, elle partit dès l'âge de 16 ans.

"Me faudra-t-il monter sur les épaules d'un gardien ? [?] Ou faudra-t-il me traîner, me lancer telle une balle coincée ? Le bruit des vertèbres brisées monte-t-il en un flot de sang dans la bouche, d'où pend une langue bleue ? [?] Je ne veux pas mourir. Voilà ma seule vérité. Mon unique hurlement."

Béatrice Saubin a écrit le livre dont je vous parle ici (elle en a écrit 3) "L'épreuve" à son retour en France, après 10 ans d'incarcération en Malaisie. Première française condamnée à mort en 1982, à l'âge de 20 ans (arrêtée en 1980 à l'aéroport avec une valise dont le double fond contenait de l'héroïne), sa condamnation à mort provoqua un véritable tollé en France et une pétition réunissant intellectuels, écrivains et acteurs, ainsi que l'acharnement de son avocat réussirent à transformer la sentence en prison à perpétuité. Finalement, après avoir passé plusieurs années en prison, les autorités malaisiennes la libérèrent, à un moment où elle s'était enfin appropriée sa vie, sa situation. Elle avait lu, enseigné à compagnes de cellule, aimé, créé un véritable potager, dans cet enfer elle s'était construite une vie, enfin.

A son retour en France, son livre connut un énorme succès et elle se perdit dans le tourbillon de la vie, des mondanités en refusant obstinément d'aborder à nouveau son histoire. Elle a écrit deux autres livres, puis la maladie (l'anorexie et l'alcoolisme) l'ont malheureusement poussés vers une fin précipitée.
J'ai toujours été abonnée aux bibliothèques, mais je vais très rarement à celle-ci, la Manufacture. Pourtant c'est là, qu'il y a une dizaine d'années j'ai trouvé son livre. Trop jeune à l'époque de sa condamnation, j'ignorais son histoire. Mais j'ai dévoré son livre, et j'aurais vraiment aimé la rencontrer. "L'épreuve" est un véritable témoignage de la rage de vivre d'un être humain, et une magnifique leçon de l'évolution d'un être humain vers la sagesse.

Si j'étais enseignante, son livre serait au programme. En fuyant sa condition de fille pauvre et paumée en France, elle s'est finalement trouvée à l'autre bout du monde. Et aura su plus tard mettre des mots dessus. En apprenant sa mort soudaine, j'ai retrouvé livre et je l'ai relu l'an dernier. Il n'a rien perdu de sa force, avec le recul, je pense qu'elle a laissé une grande partie de son âme là-bas en Malaisie. J'espère qu'elle est enfin apaisée.

Finalement, il n'y aura pas eu de film, mais une autre histoire, elle, fut portée à l'écran et témoigne de l'enfer des prisons asiatiques, "Loin du Paradis" (ou "Return to Paradise") - Il y a eu aussi un film sur le même thème intitulé "Brokedown Palace" ("Bangkok aller simple" en v.f) mais je préfère le premier avec un Vince Vaughn magnifique.

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    J ai moi aussi adoré ce livre à l'époque, et je suis en train de le relire car je cherche des livres qui pourraient donner le goût de lire à une de mes filles ado.

    Ce récit (l'Epreuve) est très beau et du coup j'ai regardé sur internet ce qui a été écrit sur elle. J'ai ainsi découvert que son entourage ne semblait pas croire à son innocence, même après son retour, tout comme son avocate Karen Berreby. Enfin, toujours dans le même sens, elle avait coutume de dire :"tant que le président Chirac est vivant, je ne dirai rien." Est ce que c'était parce qu'il avait plaidé en sa faveur, croyait en son innocence et qu'elle ne voulait pas le décevoir et lui faire du mal en avouant qu'elle était au courant du contenu de la valise?

    Du coup relire son livre avec cette grille de lecture change un peu la donne. Sauf évidemment le début et le récit de ses premiers voyages qui sont tout bonnement époustouflants. C'est une ode merveilleuse à la liberté. Dans le passage où elle est perchée en haut d'un bus dans la Khyber Pass, on pense à Rimbaud, un mélange de complète insouciance, de grande joie et de profonde détresse. L’adolescence en quelque sorte...

    Est ce que vous avez des infos sur cette possible culpabilité ou réelle innocence?

    Amicalement

    Guillaume

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    1. Merci, c'est vraiment resté un de mes livres préférés, j'avais été très marquée par son retour en France et sa fin, tragique. Par contre, je n'ai jamais entendu de rumeur sur sa soi-disante culpabilité. De plus, son histoire n'a été le prélude qu'à beaucoup d'autres touristes, victimes du même sort (les deux américaines dans les années 90, des français). En Asie du Sud-Est,des centaines d'occidentaux attendent leur procès ou ont été condamnés à de lourdes peines. Il y a des mules, mais souvent dans les pays d'Amérique Latine. Quoiqu'il en soit, son récit reste sublime comme vous le dites ! Quelle épopée pour une si courte vie.
      Cordialement

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