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16 décembre 2015

Les moissons du ciel

Je vous ai, il y a fort longtemps, parlé de ma passion pour l'oeuvre de Terrence Malick. Je lui ai consacré trois billets pour trois de ses films : The thin red line (La ligne rouge), The Tree of life et A la merveille. Trois bijoux. Si vous prenez le temps de les lire, vous comprendrez tout mon amour pour ce réalisateur. C'est en 1973 qu'il signe son premier film, Badlands (La balade sauvage) dont je vous parlerai très bientôt (je dois le revoir), cinq ans plus tard, Malick signe Days of Heaven, traduit (très justement pour une fois), les Moissons du ciel.

Un film sublime qui rassemble déjà "tout ce qui fait" Malick : le rythme, la qualité de la photographie, la maîtrise du mouvement (le time lapse déjà dans son oeuvre), sa manière de filmer les visages, de préférer le silence aux mots et puis surtout cette nature, omniprésente, omnisciente.

Nous sommes au début du 21ème Siècle, vers 1910 - Bill (Richard Gere) et Abby (Brooke Adams) s'aiment mais cachent leur liaison au monde en prétendant être frère et soeur, n'étant pas mariés. Bill travaille dur dans une aciérie, le feu est son allié. Ils sont pauvres et n'en peuvent plus de cette vie de misère, qu'ils partagent avec Linda, la soeur de Bill, âgée d'une dizaine d'année, la "voix" du film.  Ils décident de tenter leur chance au Texas comme saisonniers et sont engagés par le propriétaire d'une immense ferme. L'été est dense et les moissons requièrent toutes leurs forces. Le jeune propriétaire des lieux (Sam Shepard) leur propose de rester car il est tombé amoureux d'Abby.  Ce dernier souffre d'un mal mystérieux, et Bill pense qu'il lui reste peu de temps à vivre. Il pousse alors à Abby à accepter sa demande en mariage en pensant pouvoir tirer profit de la situation.



Leur train de vie change considérablement : Bill, Abby et Linda n'ont plus à travailler. Ils sont devenus riches à une époque où l'Amérique est pauvre. Le fermier ne se doute de rien, même s'il commence peu à peu à trouver la proximité de Bill et Abby étrange pour des frères et soeurs. Hors saison, ils s'amusent, dansent, chantent - la nature est belle, le temps semble être suspendu. Mais le fermier ne meurt pas, son état reste stationnaire et peu à peu la jalousie et l'impatience commencent à faire leur apparition. Abby tombe peu à peu amoureuse de son époux et Bill préfère partir.

Que dire ? Entre les images spectaculaires et époustouflantes, les moissons filmées comme un ballet russe, les chevaux sauvages, les bisons, cette rivière où Abby et Bill vont se ressourcer. Cetter rivière est comme Abby, calme, elle apaise leurs angoisses et les quatre protagonistes s'y retrouvent pour s'amuser. Le feu accompagne Bill, du début à la fin. Son retour signera la perte de ce fragile équilibre. Tous les éléments sont représentés : le vent - celui qui fait vibrer les champs de blé, invisible mais partout comme le fermier et puis la terre, symbolisée par la jeune Linda, narratrice, qui raconte son amour pour la terre, profonde, meuble et mouvante. Elle raconte cette époque avec ses mots,  de la misère à la richesse,  porteuse d'un secret.



Terrence Malick offre au spectateur un sublime témoignage, sur l'amour, sur la nature et sur la vie tout simplement. Et puis quelle beauté ! Les images sont impressionnantes. Le réalisateur américain sait déjà filmer la nature, sa puissance (l'invasion des sauterelles, le feu qui fond dans l'usine ou s'abat sur les champs de blé) mais aussi le feu qui illumine les visages le soir où ils fêtent la fin des récoltes et puis les bisons, les gazelles, les antilopes, les champs de blé, l'horizon sans fin, les cieux qui virent du rouge à l'orangé. Une photographie parfaite.

Un spectacle immense accompagné par la très belle musique d'Ennio Morricone, qui ici signe une mélodie sublime, bien plus apaisée que celle qu'il écrira pour les western spaghetti.



Et je ne peux pas ne pas parler des visages sublimes, magnifiques - des protagonistes. Surtout celui des deux hommes : Richard Gere et Sam Shepard, en pleine possession de leur jeunesse, de leur beauté brute, le vent qui souffle autour du visage de Shepard, le profil taillé dans la roche de Gere - impressionnant ! Je les ai toujours trouvés très beaux - et les voir ainsi réunis, amoureux d'une même femme, quelle chance pour Brooke Adams - actrice phare de cette décennie.

Enfin, la jeune Linda Manz - la véritable héroïne du film, au visage extrêmement troublant, à la voix rauque et au regard très protecteur sur les héros de cette tragédie qui la dépasse.

Les moissons du ciel est considéré aujourd'hui comme un classique, un film culte et il le mérite amplement ! Une leçon de cinéma pour les réalisateurs en herbe. Un film qui vous emporte malgré son rythme lent, ses silences. Un film signé Malick, aussi si vous n'avez pas aimé ses autres réalisations, passez votre chemin !



Malick mettra dix ans avant de revenir derrière une caméra, pour le film qui sera, pour moi, adolescente, une claque de cinéma, The thin red line.  Depuis, le réalisateur américain n'arrête plus de tourner et tous les acteurs en parlent comme d'une expérience extraordinaire. Et je n'ai, jamais vu, Richard Gere ou Shepard aussi libres de leur mouvements, aussi présents, aussi charismatiques.

Un dernier plus à ce film : ici point de haine, même si la tragédie est là, elle n'est jamais le moteur. Un vrai plaisir pour le spectateur.

Le film remportera un Oscar (photographie), Ennio Morricone sera nominé pour la musique, et Terrence Malick remportera La Palme de Meilleur Réalisateur à Cannes et son film sera nominé pour la Palme d'Or.

Mon avis : 

2 commentaires:

  1. ah, Richard Gere sans cheveux blancs… ça vaut le détour! en revanche, si j'ai beaucoup aimé le scénario, j'ai trouvé le film un tantinet trop lent dans la lenteur (si ça veut dire quelque chose). Mais c'était une belle découverte. des bises!

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    1. Oui, Malick aime bien "prendre son temps". Au tout début, j'étais aussi un peu désorientée puis finalement le film m'a absorbé et oui Richard Gere est magnifique dans ce film ! Idem pour Shepard - un plaisir des yeux ;-)

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