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27 janvier 2014

12 years a slave

Solomon Northup est un homme heureux. Il vit dans le nord de l’état de New York en 1840 avec son épouse et ses deux enfants. Violoniste, il gagne bien sa vie et vit confortablement. Mais Solomon est noir. La couleur de sa peau attise haine et convoitise. Deux hommes vont le piéger, l'entrainer à Washington où il sera vendu comme esclave à des propriétaires sudistes.

Solomon Northup a réellement existé, le spectateur en est informé dès le début. Et c'est avec effroi que l'on suit la plongée en enfer de ce musicien éduqué et cultivé. Enchainé, battu, il n'a de cesse de se battre pour survivre. La survie n'est pas que physique, elle est surtout morale. Traité comme un objet, une bête de foire - il est d'abord acheté par un propriétaire plutôt gentil (Benedict Cumberbatch, l'acteur phare de 2014), mais l'homme oublie sa condition d'esclave et propose d'améliorer les conditions de travail pour ses pairs. Si ses idées sont bien accueillies par le propriétaire, il est pris en grippe par l'intendant Tidbeats (le formidable Paul Dano). Il est sauvé in extremis par le propriétaire qui le revend à l'impitoyable Edwin Epps (Michael Fassbender, exceptionnel). S'en suivront des années d'horreur, d'outrage, d'humiliation.
Le salut viendra des années plus tard par l'intermédiaire d'un homme blanc (Brad Pitt).



Que dire, sinon que le spectateur doit se préparer à vivre des scènes d'une violence inouïe ? Peut-être parce que ce n'est pas, uniquement, des attaques physiques, mais surtout une véritable machiner destinée à nier l'existence d'un être humain au seul motif de la couleur de sa peau ? Si Solomon (formidable Chewital Ejiofor) réussit à garder sa dignité pendant ces douze longues années, on ne peut pas oublier les pleurs sans fin d'une femme à qui l'on a arraché ses enfants - et à Patsey (Lupita Nyong'o), une jeune esclave qui a le malheur de plaire au maitre. Elle le paiera de sa chair.

Sarah Paulson et Lupita Nyong'o

A ces scènes abominables, Steve McQueen le réalisateur a ajouté ces rares instants de grâce et le spectateur tient bon grâce à la résistance du héros et à sa foi inébranlable. Le Sud raciste y est admirablement bien décrit, comme les scènes de ventes (qui vous donnent un haut-le-cœur), les acteurs sont tous formidables - mention spéciale aux actrices : Lupita Nyong'o dont l'enfer permanent ne trouve aucune issue, et à Sarah Paulson, l'actrice qui interprète son ennemie, Miss Epps - effroyable femme qui derrière une attitude pieuse cache une haine sans fin. Et je ne peux oublier Paul Dano, l'acteur qui ne cesse de me surprendre.

Car ils se cachent tous derrière leur Bible, et chaque dimanche, font la messe à leurs esclaves - qu'ils peuvent ensuite violer, battre et lyncher. L'espoir semble sans cesse être repoussé, pourtant Solomon veut y croire, et la rencontre avec un abolitionniste canadien lui sera salvatrice. 

Chewitel Ejiofor - Benedict Cumberbatch et Paul Dano
Je me dois d'aborder le film, on peut lui trouver certaines longueurs (2h15) mais pour moi on retrouve surtout la marque de fabrique de McQueen - il aime les gros plans sur ces acteurs, il filme leurs visages - sans musique. Si vous avez vu ses précédents films, et particulièrement Shame (avec son acteur fétiche, Michael Fassbender) - vous reconnaitrez ces instants où le temps semble s'arrêter. Cette manière de filmer peut effectivement troubler les spectateurs.

Pour ma part, j'ai ressenti la même chose que lors de mes précédentes expériences avec le réalisateur britannique, une certaine distance au départ avec les personnages (comme dans Hunger ou Shame) puis à la toute fin, une émotion immense qui me remplit. Ce fut le cas lorsque Solomon est formellement identifié par un ami blanc nordiste et qu'il se jette dans ses bras. J'avais, il est vrai, un peu perdu espoir en l'homme blanc. Cette scène m'a étrangement plus touchée que l'autre, la dernière. 

Je veux saluer l'interprétation de Michael Fassbender, le complice de McQueen qui sait mieux que quiconque interpréter cet esclavagiste, éperdument épris de Patsey, déchiré entre sa haine des noirs et ses désirs, entre la religion et ses principes. Fassbender est impressionnant. Brad Pitt, de son côté, producteur du film, s'est octroyé ici le beau rôle mais son physique de menuisier amish lui va bien. Et puis savoir, ce que cet homme a réellement existé et a pris ce risque, c'est rassurant sur la condition humaine.

Enfin, s'il y a un bémol - elle vient de ma foutue passion pour la musique de film - à deux reprises, dans des scènes particulièrement fortes, j'ai eu l'impression d'entendre la musique d'autres films, l'une où j'ai cru entendre la musique de Shame et l'autre Inception. Après vérification, Hans Zimmer a bien produit deux musiques pour 12 years a slave dont Solomon (à écouter ici).  Pour l'autre instant où j'ai été troublée, il s'agit de Devil's dream de Tim Fain (à écouter ici). La faute à moi.  Enfin, presque par en allant me promener sur la toile, je croise d'autres internautes ayant ressenti la même chose. La musique est néanmoins toujours sublime et a toute sa part dans le film.

Chewitel Ejiofor et Brad Pitt

Dans mon précédent billet sur les Oscars, je n'avais pas misé une seule fois sur ce film. Il  a pourtant obtenu 9 nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (Chewitel Ejiofor), meilleur acteur de second rôle (Michael Fassbender) et meilleure actrice de second rôle (Lupita Nyong'o). Je vais sans doute revoir mes pronostics...
 
Il est clair que ce film est sombre, violent et douloureux, mais il est à voir. Absolument.
Ma note :

2 commentaires:

  1. Hans Zimmer est maintenant connu pour sa tendance à s'autoplagier (et à plagier les autres, mais ça c'est une autre histoire). Certains admireront le processus, je le trouve pour ma part un peu facile et apprécie de moins en moins ce compositeur qui me semble un peu mahonnête (d'une malhonnêteté intellectuelle).

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    1. il a écrit de sublimes titres et depuis il "recycle" ... je pense surtout qu'il travaille trop et accepte trop de contrats et a choisi la facilité ... et que d'autres ont compris et le copient à leur tour. Et puis je pense aussi que c'est au réalisateur d'avoir le dernier mot et de choisir quelqu'un d'autre !

      Je suis fan de The Thin Red Line et j'ai de cesse d'entendre cette musique partout depuis... mais quel frisson (Journey to the line)

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