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20 septembre 2016

Comancheria



Impossible de résister à l'appel de Comancheria - le polar de l'année ! A l'affiche Jeff Bridges, un des mes acteurs préférés à qui j'avais consacré un portrait et derrière la caméra, David McKenzie, le réalisateur du magnifique Les poings contre les murs (Starred Up), une claque cinématographique, et à la musique Nick Cave !

Je n'avais pas vu la bande-annonce aussi je me suis laissée emporter par les premières images : un patelin croulant sous le soleil au milieu de nulle part (ce nulle part étant dans les Midlands du Texas), un graffiti sur un mur qui dénonce le sort réservé aux vétérans qui rentrent et sont abandonnés par le gouvernement, et puis dans une voiture, deux hommes armés qui font le guet devant une minuscule banque - les visages burinés, vite cachés sous une cagoule. Les deux frangins, Toby (Chris Pine) et Tanner (Ben Foster) sont là pour faire un braquage. Un, puis deux, puis trois .. Leurs butins sont plutôt maigres (plusieurs milliers de dollars) qui n'inquiètent nullement le FBI qui préfère laisser l'enquête aux mains des Texas Rangers.

A leurs trousses, un ranger à 200% Texan et qui vient de recevoir un ordre : celui de partir à la retraite. Marcus (Jeff Bridges) n'a que son boulot et redoute la retraite comme la peste. Affublé d'un adjoint, Alberto Parker (Gil Birmighan) moité Comanche/Mexicain , à qui il ne cesse de débiter des blagues racistes à tout va, les deux hommes tentent de comprendre ce qui motive ces braqueurs de petite fortune. Texas nous voilà !


Derrière cette course-poursuite passionnante, le réalisateur offre ici au spectateur une critique d'un pays baigné dans la crise économique : les traveling qui filment les frangins à bord de leur véhicule, roulant dans un paysage de désolation, où les maisons à vendre, succèdent à des usines ou entreprises fermées, aux panneaux de publicité des banques et des agences immobilières, illustrent parfaitement le propos. Ici, la population a été sacrifiée - la crise économique a tout balayé. Les deux frangins en sont l'exemple même. Et braquer des banques est un moyen de défense et un outil de survie comme un autre. Les banques, cet ennemi invisible qui n'a de cesse de mettre à mal ces populations fragilisées, en augmentant les taux d'intérêt et en saisissant les maisons et les ranchs les uns après les autres avec la même voracité.

Toby (Chris Pine) est un de ces innombrables laissés pour compte, ancien foreur, il a eu vite fait de cumuler les dettes. Père de deux garçons, sa femme l'a quitté et il s'est installé dans le ranch paternel pour veiller sur sa mère, mourante. Ce ranch familial, fierté de la famille - est en réalité à la veille d'être saisi par la banque locale Texas Midlands. Les traites sont trop importantes et sans travail, Toby ne peut les honorer, comme il ne peut verser la pension alimentaire à son ex-femme. Sa mère enterrée, Toby retrouve son frère ainé, Tanner (Ben Foster) tout juste sorti de prison. Les frangins se ressemblent peu, le dernier est sanguin. Il n'est pas le bienvenu, sa mère ne lui a rien légué - d'ailleurs Toby s'empresse de vouloir faire donation du ranch à ses fils, depuis qu'il sait qu'on y a trouvé du pétrole. Mais l'échéance approche bientôt, et s'il n'honore pas ses dettes, la banque le saisira et fera fortune avec.


Tanner accepte d'aider son petit frère en ayant une idée de génie : détrousser les succursales de la banque qui veut saisir le ranch familial et a maintenu la famille dans une extrême pauvreté pendant des décennies, et ce afin de rembourser leurs dettes avec leur propre argent. 

Ici c'est l'enfer, la pauvreté c'est comme une maladie, nous dit Toby. Et on le croit. Un enfer où le diable ressemble à une agence bancaire. Et si on peut condamner leurs braquages, qui, on se doute, finiront mal, on ne peut leur reprocher de vouloir enfin gagner une partie contre leur pire ennemi. Mais à quel prix ?

Derrière ce polar, qui, ici magnifiquement réalisé se rapproche du western se cache Taylor Sheridan, scénariste acteur qui a déjà écrit Sons of Anarchy et pour le cinéma Sicario. Un nom à retenir. Et le résultat est là : ce que j'aime, c'est que le temps n'a pas le même rythme au Texas - tout y est plus lent. Est-ce du à ce soleil qui agit comme une chape de plomb ? Les policiers peuvent ainsi passer une journée à attendre, confortablement installés à la terrasse d'un petit restaurant. Assez amusant le contraste entre les braqueurs, en pleine équipée sauvage et ces deux flics vraiment pépères.  Et malgré ce rythme lent, le film nous surprend toujours : on a beau imaginé l'issue, rien ne se passe tout à fait comme prévu.

Un exemple ? Le Texas est l'un des rares états où le port d'arme est non seulement autorisé mais encouragé ! Tous les habitants se baladent armés - les braqueurs s'en souviendront ! Une scène d'anthologie pour une fin grandiose.

Que dire du casting ? Parfait ! Bon, forcément, il y a Jeff Bridges, dont le duo avec Gil Birmingham donne lieu à une série de blagues plus que douteuses mais qui cache l'affection que se portent les deux hommes - j'ai adoré leur duo improbable. Dans un pays où tout semble foutre le camp, les deux Rangers tentent de faire régner la loi tout en sachant qu'au fond, les braqueurs n'ont pas tout à fait tort. Et lorsqu'Alberto aborde le point de vue des Comanches, il résume à lui seul cette situation. 

Enfin, je me dois de dire un mot sur Chris Pine - acteur dont la tronche, j'avoue, ne m'a jamais vraiment intéressée. Un beau gosse dont la filmographie ne me parlait absolument pas avant que je le découvre dans ce rôle, aux antipodes d'Hollywood - le visage buriné, la moustache, la fatigue, la peau sèche et il est génial ! Ben Foster aussi, quoiqu'on a l'impression que jouer les mauvais gosses est une habitude chez lui. 

Enfin, impossible de ne pas mentionner le dernier personnage, aussi puissant que les paysages (le film, censé montrer les mornes plaines de l'ouest du Texas a été en fait tourné au Nouveau-Mexique) : la musique. La première chanson du film vous met tout de suite dans l'ambiance, il s'agit de Townes Van Zandt avec son "Dollar Bill Blues".  Et le plaisir ne fait que continuer, car derrière les manettes : Nick Cave et Warren Ellis, sans oublier les rois de la country texane : Waylon Jennings (si vous avez comme moi vécu au Tennessee, c'est un incontournable), Ray Willie Hubbard et Billy Joe Shaver, tous deux Texans également. Disponible sur iTunes ou Amazon (ps : déjà acheté et écouté).

J'adore particulièrement "Texas Midlandsde Nick Cave et Warren Ellis et "Sleeping on the blacktop" de Colter Wall


Et on ressort de cette séance dans le même état que nos protagonistes : frappé par deux heures non stop au soleil brûlant du Texas, du sable dans nos bottes et la voix caverneuse de ces countrymen dans notre caboche !

Mon avis :


2 commentaires:

  1. J'avais vu une bande annonce de ce film et quand j'ai vu que Bridges était au casting, je me suis dit qu'il fallait que je le vois. Et puis je l'ai oublié. Merci de me le rappeler, surtout que maintenant que j'apprend que Nick Cave est responsable de la musique, je vais être obligée d'y aller!

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    1. oui Bridges et la musique, un film vraiment à part mais qui t'embarque au fin fond du Texas ! dépaysement assuré !

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