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23 avril 2015

La rivière de sang

Mon plaisir est de promener sur le web dans les catalogues des maisons d'édition et de repérer des livres plus ou moins récents. Jim Tenuto a publié La rivière de sang en 2006, il a même fait partie des finalistes pour le Prix Elle l'année suivante. Gallmeister a déniché encore une fois une petit diamant brut. Il m'était difficile d'y résister : le Montana, un ranch de bisons, les Hutterites - bref, tout cela m'a ramené quelques années en arrière à l'époque où je foulais le sol de ce magnifique État.

Ex-star du football universitaire et vétéran de la guerre du Golfe, Dahlgren Wallace a enfin réussi à poser ses valises. Il mène désormais une existence paisible de guide de pêche dans le ranch de Fred Lather, un magnat des médias devenu éleveur de bisons dans le Montana. Jusqu'au jour où l'un des invités de Lather se fait assassiner à quelques pas de lui. D'abord suspecté du crime, Wallace se trouve embarqué malgré lui dans une enquête où se côtoient milices néo-nazies, éco-terroristes et ranchers véreux prêts à tout pour mettre la main sur le ranch de Lather.
De faux coupables en vrais crimes, Jim Tenuto dresse avec humour le portrait acide d'une Amérique déglinguée jusque dans les paysages sauvages et menaçants du Montana.

Après un début de lecture compliqué (manque de temps), il aura fallu attendre un week-end pour que je puisse me plonger avec délectation dans les aventures de Dahlgren et avaler d'une traite les 250 dernières pages du roman, le sourire aux lèvres.
Vous aurez compris : j'ai vraiment adoré ce livre même si le personnage principal croise sur son chemin de véritables tarés cupides et avides.

Frédéric Vitoux du Nouvel Obs avait très bien résumé ce livre : "Comment définir cet excellent premier roman ? Comme un polar des grands espaces ? Un chant d'amour au Montana ? Un portrait inquiétant d'une Amérique à la dérive ? Ou comme un livre d'une tonalité plutôt gaie, rapide, tonique, où l'auteur appelle un chat un chat et ne confond pas une truite arc-en-ciel avec une cuttbow ni avec une cutthroat aux traits carmins sous les branchies. Le bonheur en somme."

Si vous êtes d'humour plutôt joyeuse, comme ce fut mon cas par ce grand soleil - vous allez le voir comme un livre tonique, gai et drôle et comme une véritable déclaration d'amour pour le Montana et la pêche à la truite. Si vous êtes d'humeur maussade, vous allez le voir comme le visage sombre de l'Amérique : celui des extrémistes en tout genre : les éco-terroristes, les milices néo-nazies et les éleveurs de bœuf prêts à tout pour récupérer la terre et tuer les bisons.

"Le moment de perfection était proche. Ma définition de la perfection inclut une rivière, de la solitude, une mouche sèche et une truite. Fabrication de nouveaux souvenirs pour remplacer les vieux. L'eau lente du ruisseau était glacée, d'un vert tourbeux. Aucun autre pêcheur ne troublait le calme des lieux."

Je ne peux que vous inciter à le lire - il reflète bien ce double visage de l'Amérique mais aussi cette période charnière où les stars hollywoodiennes (et milliardaires en tout genre) sont venus jeter leur dévolu sur les terres du Montana (et du Wyoming) pour y réaliser leur rêves de cowboys. Ce mouvement était lié en partie à Robert Redford, lui-même longtemps propriétaire d'un immense ranch et réalisateur de L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux. Suivirent d'autres films phares de cette époque : Et au milieu coule une rivière, Légendes d'Automne... Et quelques années plus tard, The Brokeback Mountain. 

J'ai d'ailleurs vu le film de Redford à Great Falls - et je me souviens de l'ambiance de la salle : les gens rigolaient et fustigeaient les clichés qu'Hollywood répandaient sur eux (ex : le cowboy ne mange que d'énormes steaks de bœuf) et les libertés prises par les scénaristes (les lieux ne coïncidaient pas avec la réalité, la réserve indienne n'était pas la bonne, etc.). Mais qu'importe, la machine était lancée. 

Je ne le cache pas : j'ai toujours rêvé de posséder un ranch au Montana, c'est clairement le paradis sur terre. Et d'y élever des bisons. Oui, mon plus grand rêve. Moi une française. Mais quand on a eu la chance d'y vivre quelque temps, difficile d'en revenir.

En attendant, lancez-vous et lisez ce livre mais avant préparez-vous à essuyer les coups tout en profitant de la beauté du Montana et de l'humour présent tout au long de ce roman.


Copyright Mary Koga (1972)

Dernière anecdote : c'est la première fois que je trouve un roman qui mentionne les Hutterites - quelle surprise pour moi ! Car j'avoue que je me sentais bien seule quand je prononçais leurs noms. Concrètement, cette communauté religieuse ressemble beaucoup aux Amish et aux Mennonites, bien mieux connus des français (merci Harrison Ford et Witness de Peter Weir). D'ailleurs, j'avais déjà croisé des Amish (le marché bio de Saint-Louis au Missouri les accueille par dizaine) mais j'ignorais tout des Hutterites. Ma première rencontre avec eux fut assez amusante donc j'ai décidé de vous la raconter.

J'arrivais au centre commercial de Great Falls quand j'ai aperçu sur le parking un bus scolaire jaune s'arrêter et une dizaine de jeunes gens (adolescents) en sortir - habillés comme les Amish (j'ai plus pensé à La petite maison dans la prairie j'avoue) : chapeaux de paille, chemises blanches à bretelles noires pour les garçons, foulards colorés ou à poids et robes à fleurs pour les filles. Etonnée de les voir sortir d'un bus (moderne) et encore plus lorsque je les ai vus de près : tous les jeunes arboraient au pied des baskets Nike ! 

Mon amie (et patronne) m'expliqua alors qu'il s'agissait d'Hutterites - une communauté religieuse d'origine allemande (du Tyrol), dont le chef était Jakob Hutter. Ils se sont réfugiés en Amérique au 18ème siècle. Principalement au Canada, au Sud Dakota et au Montana. 


Copyright Mary Koga  (1972)

Contrairement aux Amish qui refusent toute modernité (pas d'électricité, de gaz, de voitures, etc.), les Hutterites sont ouverts à pas mal de choses. Ma chef me proposait d'aller les rencontrer chez eux car elle connaissait une des colonies. Nous voilà parties quelques jours plus tard. Éleveurs de porcs, ils ont tout le matériel moderne (tracteurs, camions, etc.) et roulent donc en voiture. Anabaptistes, ce n'est qu'à l'adolescence que les jeunes gens se font baptiser. 
Ils parlent un vieux dialecte allemand tyrolien du 16ème Siècle, croisé avec un autre dialecte d'origine slovène (mes sept années d'allemand n'auront servi à rien). Les hommes et femmes mangent séparément (dans mon cas, dans des salles séparées). Une cloche et les prières régissent leurs vies quotidiennes. Les filles arrêtent l'école comme les garçons à l'âge de 14 ans et ils se marient très jeunes. 

Tout le monde encensait leur pain - et moi, pauvre petite française qui rêvait de baguette, je me suis jetée dessus. Erreur ! Leur pain ressemble à du pain de mie... mais très très sec (vieux de dix jours) et très salé ! Mais j'ai fait bonne figure, comme lorsque j'ai eu peur en voyant certains enfants. En effet, les Hutterites emmènent donc régulièrement les jeunes en ville au contact de la civilisation moderne. Résultat : beaucoup d'entre eux sont attirés par cette vie et quittent la communauté. Dans le cas de la colonie en question (moins de trois cent membres), cela s'est traduit par des mariages entre cousins et la consanguinité a fini par rejaillir physiquement sur les visages de plusieurs jeunes (filles et garçons) : les yeux bridés, trop écartés, une bouche légèrement déformée... Ma patronne me l'a expliqué au retour, comprenant mon désarroi. Mais il s'agit d'une exception car comme le précise l'auteur, la communauté (dans sa totalité, USA + Canada) compte environ 40 000 membres, ce qui est suffisant pour éviter ce genre de soucis. Depuis des années se sont écoulées et les choses ont du changer.

Les Hutterites avaient accepté en 1972 la venue d'une photographe Mary Koga pour prendre les photos que je présente ici mais depuis ils refusent toute photo et ont même engagé au Canada des procédures pour ne pas avoir à fournir de photos pour leurs permis de conduire. Pour information, les habits n'ont pas changé depuis cette époque. 

Si vous voyagez au Montana, n'allez jamais de vous même dans une colonie  Hutterite (ils emploient ce mot) sans y être invité. Cela serait très mal interprété. Vous avez de grande chance de les croiser de toute manière en ville ou sur la route et ils sont très gentils. 

En attendant, jetez-vous sur La rivière de sang !



Gallmeister, Totem, Traduction Jacques Mailhos, 321 pages

09 avril 2015

Pike

"Benjamin Whitmer, c'est Shakespeare qui aurait baisé avec Ellroy !" Olivier Marchal

C'est avec cette citation, ainsi que la quatrième de couverture et un extrait (tous disponibles sur le site de Gallmeister) que je me suis laissée tenter par l'histoire. 

Douglas Pike est de retour après des années d'absence dans cette bourgade des Appalaches où il vit de petits boulots, loin de son passé tumultueux. Son seul ami est Rory, un jeune boxeur qui rêve d'être repéré et de faire carrière mais doit pour l'instant se contenter de matches, parfois truqués, contre les étudiants d'université. 
Alors que les deux hommes déjeunent tranquillement une jeune femme débarque accompagnée d'une gamine de douze ans, Wendy. Elle annonce alors à Pike que sa fille unique est décédée et qu'il doit dorénavant s'occuper de sa petite-fille et repart sans elle. 

Au même moment, un flic pourri jusqu'à la moelle, Derrick, abat de trois balles un jeune homme noir dans la banlieue de Cincinnati. La ville se déchaine, les émeutes ne sont pas loin. 

Bientôt, leurs chemins vont se croiser.

Benjamin Whitmer, est né en 1972 et vit à Denver (Colorado) où selon l'éditeur, il passe le plus clair de son temps à hanter les librairies et les stands de tir. Je n'en doute pas une seconde. Whitmer est tout sauf un citoyen américain lambda. En premier lieu, le romancier américain a choisi de remonter le temps, dans les années 80 à l'ère Reagan. En ce temps-là, on aime les armes et l'on s'en sert.

Ici, tout le monde est perdant, la classe ouvrière n'a pas goûté au bonheur américain. Bruce Springsteen accompagne tous les losers (amusant car je suis fan du chanteur aussi je connaissais les paroles), il s'adresse à tous ces laissés pour compte de l'Amérique triomphante. Et même si le héros se découvre une nouvelle raison de vivre en la personne de Wendy, celle-ci est déjà aussi désabusée à 12 ans que son grand-père à à peine cinquante ans.

"Une fois sobre, faut toujours faire ce qu'on a dit qu'on ferait quand on était bourré. C'est comme ça qu'on apprend à fermer sa gueule.
Pike se tourne vers lui (...) - C'est du Hemingway, dit Roy en souriant. C'est Wendy qui me l'a apprise. Ca colle pas mal, hein ? Même si j'étais pas bourré." (p.85) 

C'est l'Amérique des perdants. Que ce soit les jeunes hommes noirs des banlieues de Cincinnati qui ne côtoient que drogues, gangs et violence ou les jeunes "white trash"  ploucs blancs de la campagne - tous ont perdu tout espoir en leur pays. Ici point de joyeux "happy end", l'avenir n'est qu'une suite de déconvenues. La vie ne vous épargne pas et ne vous fait pas de cadeau.

Lorsque Pike s'embarque dans la chasse à l'homme, désireux d'apprendre qui a fourni à sa fille la dose mortelle de drogue, il sait qu'il n'en rapportera rien de bon. Tout au long de ce périple, l'homme se souvient de ses années au Mexique où il avait l'impression d'être au paradis. Le voilà soudainement chargé de l'éducation d'une gamine qui a grandi toute seule, fume et l'envoie balader. 

Pike est un roman NOIR, ce n'est pas un polar, ici pas de victime, pas de flic ou de détective privé, pas d'enquête - ici pas de rédemption. Tragédie. La preuve ? Le seul flic de l'histoire est violent et corrompu jusqu'à l'os. Les balles fusent et les corps tombent. Ca déménage chez Whitmer.

"Alors écoute. J'ai jamais vu personne foutre en l'air sa vie dans les grandes largeurs sans se prendre pour quelqu'un de spécial. Et les trous à rats dans lesquels les types de ce genre se sont enterrés avaient exactement la forme de leurs rêves". (p.84)

Avec Whitmer, vous allez vous embarquer dans une virée qui vous fera parfois chavirer le coeur ou parfois vous fera hoqueter. Whitmer a son propre style, parfois brut mais aussi teinté de lyrisme comme lorsqu'il décrit les paysages de son pays. Ce pays immense qui ressemble encore à un western où on tire à peu près sur tout ce qui bouge et où l'ont croit qu'il faut toujours aller vers l'Ouest. 

Les Appalaches, ça me parle - j'ai étudié dans une fac nichée dans une de ces montagnes au Tennessee. Je me souviens de ces bourgades que l'on traversait. L'été indien y était sublime mais honnêtement vous n'aviez jamais envie de vous arrêter dans ces bourgades. Pike m'y a ramené et je l'ai suivi, avec beaucoup de plaisir.

"Pike roule toute la nuit sur les petites routes. Puis toute la journée suivante. Traverse d'abord le Tennessee, puis l'Arkansas, jusqu'à presque ne plus en pouvoir. Ces montagnes basses et amples avec des logements pour esclaves derrière chaque ferme, où vous ne pouvez pas faire un pas sans écraser une pointe de flèche indienne sous votre botte. Et pas une seule des bourgades qu'il traverse ne lui donne envie de s'arrêter." (p.281).

Au salon du Polars à Lyon, une internaute a décrit Benjamin Whitmer ainsi "B.Whitmer a un sourire de loup et un regard bleu d'enfant." Elle a très bien résumé le livre. Et j'ai hâte de pouvoir soutenir ce regard mercredi prochain à la librairie où il est attendu ;-)

Pat Garrett and Billy The Kid - Sam Peckinpah

Edit : J'ai donc rencontré le fameux Benjamin Whitmer il y a huit jours à la librairie Les Nuits Blanches. Je l'ai trouvé fatigué, il m'a répondu que c'était sa tête normale. Il possède 5 armes, en porte une quand il ne sent pas sécurité, fume et boit quand il n'a pas la garde de ses gosses. Déteste les pigs,  les flics, il les fuit comme la peste. Ils ont tué son meilleur ami.  Avoue une relation haine/amour avec les armes et son pays et aime se lâcher dans ses livres, on le croit. Whitmer ne croit pas au rêve américain. Il bosse pour vivre, sa nouvelle carrière de romancier ne suffit pas, et il n'a pas choisi la voie la plus facile. Car romancier, c'est une chose - mais auteur de romans noirs c'est être le chien qui mord la main du maître qui le nourrit. D'ailleurs, les chiens, il les aime pas beaucoup.

Quand je lui ai demandé d'où lui venait son inspiration, il m'a répondu que pour Pike, il avait rêvé la nuit d'une homme à forte carrure marchant dans les bois tenant à la main une petite fille.

Il a bien insisté sur le genre de ses romans : noir. C'est le coeur du système qui est pourri, ici pas de bon samaritain. Il y tient. Comme il l'a dit (c'est mieux en anglais) : "My books are all about tragedy. I want to break your heart".

Il est drôle, très drôle - accessible, sans concessions, sans fard. Loin du politiquement correct qui nous fait souvent bondir. Il vous regarde droit dans les yeux quand il vous dédicace son livre, enfin pour moi, ce fut à deux reprises (j'ai acheté son dernier Cry Father) - il apporte un vent d'ouest comme on les aime à Nantes. Hâte de lire son deuxième opus et un jour son troisième (il travaille lentement nous dit-il, mais ça parle de prison, d'évasion, des années 40...).

Et si vous doutez encore : il aime les bonnes choses et les bonnes gens : Sam Peckinpah (le réalisateur de La Horde Sauvage (Wild Bunch), Guet-apens et Junior Bonner avec McQueen,  Les chiens de paille, Pat Garrett and Billy the Kid, etc.). J'ai vu et revu tous ces films avec mon père quand j'étais encore une gamine.  Mon père m'a permis de découvrir cette autre Amérique.

Et Whitmer de lâcher qu'il aime aussi Johnny CashWaylon JenningsBob DylanCormac McCarthyDennis Lehane et l'activiste John Brown. 

Mama, take this badge off me
'cause I can't use it anymore
It's getting dark, too dark to see
I feel like I'm knockin' on heaven's door

Knock, knock, knockin' on heaven's door
Knock, knock, knockin' on heaven's door
Knock, knock, knockin' on heaven's door
Knock, knock, knockin' on heaven's door

Mama, put that gun to the ground
'cause I can't shoot them anymore
There's a long black cloud comin' on down
I feel like I'm knockin' on heaven's door

Bob Dylan, original song from Pat Garrett and Billy The Kid's movie (Sam Peckinpah)


Vous l'aurez compris : une rencontre à la hauteur de mes espérances et une forte envie de lire son deuxième roman ;-)


24 mars 2015

My addictions of the week



Au menu cette semaine : DCI Banks, Felicity Huffman, States of Grace, Morse, Kristen Stewart, Grey's Anatomy, Caïn, American Crime, Shaun Evans, polars, SpeakBrie Larson, etc.

22 juillet 2014

Noyade en eau douce de Ross Mc Donald

Ross McDonald est le digne héritier de Raymond Chandler. Auteur de polars, le romancier, né aux USA, ayant grandi au Canada puis revenu en Californie après la guerre, a créé l'un des plus célèbres détectives privés, après Marlowe et Spade : Lew Archer. Ce dernier enquête dans ces banlieues cossues qui regorgent de secrets de famille. Noyade en eau douce (the drowning pool), écrit en 1950 est le deuxième roman mettant en scène le détective privé, ancien flic et fin psychologue.  

Dans le quartier huppé de Nopal Valley, Lew Archer est engagé par Maude Slocum, épouse et mère de famille, accusée par une lettre anonyme d'adultère. Cette dernière souhaitant protéger sa famille accepte que le détective se mêle aux invités lors d'une fête organisée par les Slocum. Mais la soirée tourne au vinaigre : la belle-mère de Maude, Mrs Slocum est retrouvée morte, son corps flottant dans la piscine.  Les soupçons se portent alors sur le fils - Mrs Slocum, veuve richissime,  hébergeait son fils, sa bru et leur petite-fille dans sa vaste propriété. Cette dernière reposait sur un important gisement de pétrole convoité par plusieurs compagnies. Lew Archer va alors devoir démêler le vrai du faux et mettre à nu tous les secrets de famille. 

Je n'avais pas lu de polar datant des années 50 depuis fort longtemps (exception faite des enquêtes du commissaire Maigret de Simenon) et j'avoue avoir eu une période d'adaptation les premières vingt pages. Me voilà transportée dans le polar hollywoodien. dans la plus pure tradition. Ici le détective privé connait tous les truands, part en guerre contre les flics ripoux, croise des femmes de petite ou grande vertu, toutes plus belles séduisantes les unes que les autres. Le rêve hollywoodien s'est écrasé dans cette ville côtière, détruite par les exploitations de pétrole. Ici, tout n'est que faux semblant. 

Ross McDonald est doué, et très vite l'intrigue reprend le dessus - les personnages sont intéressants, le suspense est là et ici ni vainqueurs, ni perdants - le maigre équilibre entre le bien et mal demeure mais Lew Archer n'est ni un héros, ni un super détective privé. Il se fait taper dessus, maudire, accuser à tort et à travers et on se demande parfois ce qui le pousse à accepter de donner son aide à tous ces paumés, riches ou pauvres. Archer est profondément humain et on l'aime pour ça.

Le romancier aura écrit une dizaine de romans et encore plus de nouvelles mettant en scène son héros avant de tirer sa révérence en 1983. Et mon éditeur, préféré, Gallmeister a eu la bonne idée de publier une traduction intégrale des romans, toujours à un prix raisonnable (9-10 euros) dans sa collection TOTEM.

Je compte bien me procurer les autres romans sous peu. Surtout le premier, The moving target (1949) qui présente pour la première fois le détective privé. Celui-ci avait pris les traits de Paul Newman dans une adaptation cinématographique en 1966 sous le titre de Détective privé et à nouveau en 1975 pour l'adaptation de Noyade en eau douce, intitulée La toile d'araignée.

Aussi ma lecture n'en a été que plus agréable ! 

22 janvier 2014

Little bird de Craig Johnson

Si vous aimez les grands espaces américains, la culture amérindienne, l'Ouest sauvage et une écriture maitrisée, alors vous serez conquis par les romans de Craig Johnson.

Laissez-moi vous présenter le premier roman des aventures du shérif Walt Longmire, dont vous pouvez trouver les romans dans la collection Totem de Gallmeister.

La vie de Craig Johnson est aussi passionnante que ces personnages - il a été policier, pêcheur professionnel, charpentier et prof de fac. Il vit aujourd'hui dans les Bighorn Mountains (Wyoming) où il possède un ranch. 

Ayant vécu dans le Montana, et ayant eu la chance d'aller plusieurs fois dans l'état voisin du Wyoming - je suis jalouse. 

Little Bird vous présente le personnage fétiche de Craig Johnson : Walt Longmire, shérif du comté d'Absaroka. L'homme, veuf depuis peu, père d'une jeune femme prénommée Cady, avocate à Philadelphie, aspire à prendre sa retraite après une bonne vingtaine d'années de bons et loyaux services lorsque le corps d'un jeune homme, Cody Pritchard est retrouvé près de la réserve Cheyenne. 

Le meurtre du jeune homme intervient deux ans après sa condamnation avec sursis (avec trois autres adolescents) pour le viol d'une jeune indienne, Melissa Little Bird. Le jugement si clément avait avivé à l'époque les tensions entre les deux communautés. Walt, aidé de son meilleur ami, Henry Standing Bear (lui-même Cheyenne) et oncle de la victime, vont tenter de stopper le meurtrier avide de vengeance, dans une course poursuite à travers les étendues des hautes plaines du Wyoming alors qu'un violent blizzard s'installe.




Le roman présente les divers personnages que le lecteur pourra retrouver dans les autres romans de Craig Johnson : le très subtil et bel homme Henry Standing Bear, la jeune adjointe Vic Moretti, venue tout droit de Philadelphie et Cady, la fille de Walt.  Tous des personnages très attachants. 

Mais surtout le roman sait présenter au lecteur la difficile cohabitation, au vingt-et-unième siècle des indiens et des blancs. Ayant vécu au Montana, je traversais souvent une réserve et me rendais dans une autre, et j'ai pu voir les conditions de vie des tribus (qui n'étaient pas Cheyenne) et les tensions qui perduraient entre les communautés. Le racisme est toujours présent et les disparités sont flagrantes. Craig Johnson n'invente rien mais sait passer d'un monde à l'autre, sans jamais manquer de respect à l'une ou l'autre.



Les romans de Craig Johnson ont fait récemment l'adaptation à la télévision d'une mini série intitulée Longmire. Si elle n'est pas entièrement fidèle au roman (ainsi l'adaptation de cette histoire en particulier n'a plus grand chose à voir avec le livre), elle est néanmoins fidèle à l'esprit du romancier, aux personnages de Longmire et de Moretti et à l'amitié entre lui et Henry Standing Bear, interprété magnifiquement par le très séduisant Lou Diamond Philipps.  Si vous êtes curieux, j'en ai déjà parlé ici

Enfin, si vous aimez retrouver les mêmes personnages, je vous annonce d'ores et déjà que cinq autres aventures du shérif Longmire sont disponibles chez Gallmeister : Le camp des morts, l'indien blanc, les enfants de poussière, Dark Horse et Molosses. 

12 décembre 2013

Ma lettre au Père Noël

Cher Père Noël,

J'ai été très sage cette année. Je te remercie encore pour les beaux cadeaux reçus l'an dernier. Je réalise que beaucoup de mes vœux ont été exaucés.

C'est avec tendresse que je t'envoie cette nouvelle lettre, je sais que tu es très occupé mais je sais que tu tiens à cœur de nous faire plaisir à tous. Ma sœur a déjà envoyé sa lettre, il est donc temps pour moi de faire pareil.

Cette année, j'ai découvert une maison d'édition, Gallmeister, dont je n'ai cessé de parler sur mon blog. Cette maison d'édition propose un choix de livres auxquels je ne peux pas résister, j'ai ainsi pris grand plaisir à lire des western.J''ai donc dressé une liste de livres (tous à moins de 10 euros) dans laquelle tu as, cher Père Noël le droit de piocher. Je serais heureuse avec un seul de ces livres. La première liste en contenait plus de vingt, figures-toi. Je fais donc de gros efforts ;-)



Le sillage de l'oubli de Bruce Machart (Gallmeister)
Les derniers grizzlys de Rick Bass (Gallmeister)
A propos de courage de Tim O'Brien (Gallmeister)
Les bisons de Broken Heart de Dan O'Brien (Folio)
Texasville de Larry McMurtry (Gallmeister)





Toujours dans le monde merveilleux des livres, j'aimerais beaucoup un abonnement au magazine LIRE



Côté musique, comme si je n'avais pas déjà suffisamment de CD ou DVD du Boss, il me faut aussi celui-ci - en plus le titre est plus que parlant: Bruce Springsteen & I.




Et comme on parle de mes obsessions, j'en ai une autre - Marilyn Monroe. Je sais, je possède déjà de nombreux ouvrages sur elle. Les médias ont adoré la Marilyn star, maquillée, habillée de manière sexy, moi je l'ai toujours aimée naturelle, sans maquillage, et ce livre américain me fait de l’œil. 




Cher Père Noël, tu sais aussi que j'avais confié à mes lecteurs (dans un portrait chinois) une de mes particularités : l'impossibilité de porter des montres, si le système entre en contact directement avec ma peau, qui s'explique par un problème de pression sanguine (et pas de sudation comme c'est le cas pour certaines personnes).
Les montres fonctionnent très bien sauf lorsqu'elles sont en contact avec ma peau. Ma tante ayant le même souci, nous avions trouvé des montres en Allemagne dont le bracelet en cuir faisaient obstacle entre la peau et le système, mais après plusieurs années le bracelet a fini par lâcher.

J'ai aussi porté un penditif que j'aime beaucoup, le petit lapin d'Alice au Pays des Merveilles qui cache une montre, mais il consomme les piles à une vitesse supersonique. Enfin, j'en ai marre de devoir sortir mon téléphone portable à chaque fois. Mais voilà que je trouve enfin de nouveau quelques modèles qui me plaisent : 




Pour finir, un gros cadeau (on ne sait jamais) : j'aimerais beaucoup avoir une nouvelle télévision pour y regarder mes films et documentaires préférés (je développe une drôle d'obsession pour Arte et France 5) ... dans ma chambre ! Pour quitter ce canapé et pouvoir m'installer au chaud dans mon lit. Un écran plat de préférence.




Merci Père Noël ! 

signé Electra

02 décembre 2013

Contrée indienne de Dorothy M.Johnson

La maison d'édition Gallmeister a lancé une collection intitulée "TOTEM, une autre littérature américaine" en publiant des auteurs méconnus du grand public français mais symboliques de l'histoire américaine.

Ici il s'agit de Contrée indienne, un recueil de nouvelles signé Dorothy M.Johnson en 1953, grande dame de la littérature américaine comme le dit si bien la maison d'édition. Je vous avais parlé de plusieurs achats, celui-ci en faisait partie. Fait du hasard, une virée dans une boutique de livres d'occasion, la couverture d'un livre m'attire. J'ai un doute - l'ai-je déjà ? Mais son prix modique, et ce visage d'indien m'attirent. Me voilà avec un autre exemplaire de Contrée indienne, publié par J.C Lattès en 1986.

La différence entre les deux recueils ? La présence de deux nouvelles inédites, "Cicatrices d'honneur" et "l'incroyant" dans l'édition de la maison Gallmeister. J'ai donc lu les deux livres, en commençant par le plus ancien puis en terminant avec les deux nouvelles inédites.



Le premier recueil de J.C Lattès contient 9 nouvelles identiques à celles de Gallmeister :
- Flamme sur la plaine
- Prairie Kid
- L'exil d'un guerrier
- Retour au fort
- L'homme qui tua Liberty Valance
- La tunique de guerre
- Après la plaine
- Et toujours se moquer du danger
- Un homme nommé cheval


et Une sœur disparue 
Cette nouvelle reçut en 1957 le Spur Award - publiée dans le recueil "The hanging tree" (La colline des potences), elle raconte la tentative de réintégration d'une femme colon, Cynthia Ann Parker qui avait été kidnappée enfant par les Comanches.



Quanah Parker, le dernier Chef Commanche

En lisant les titres, vous aurez peut-être pensé au cinéma et vous avez raison : plusieurs de ses nouvelles furent adaptées avec succès au cinéma : L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford avec John Wayne et James Stewart, Un homme nommé Cheval et La colline des potences avec Gary Cooper.

Je ne suis peut-être pas tout à fait objective compte tenu de mon amour pour la culture indienne depuis que je suis enfant, et ayant eu la chance de côtoyer quelque temps ( lorsque j'habitais au Montana) ces tribus, je suis encore plus passionnée.  Je possède déjà de nombreux livres les concernant, et plus particulièrement sur leurs croyances. Toutes passionnantes. J'aimerais beaucoup vous faire partager cette passion.

Je ne vais pas rentrer dans le détail de chaque nouvelle. Sachez juste que le lecteur est plongé dans l'époque mythique de l'Ouest, encore sauvage où les indiens (Cheyennes ou Comanches) sont parfois les héros de ces nouvelles, mais jamais les "méchants grimés des western". La romancière a su très bien restituer cette époque, sa dangerosité et le courage de ces deux peuples, ces colons qui viennent plein d'espoir et ces indiens qui voient leur nation disparaitre.

J'ai particulièrement aimé les nouvelles qui décrivent avec précision les moeurs de ces tribus indiennes, leurs us et coûtumes, leurs croyances - elle ne cherche jamais à diaboliser ou au contraire à magnifier ces peuples. Elle décrit leurs us qui peuvent choquer parfois (lorsque les jeunes se mutilent ou le rituel des scalps, etc.). 






Elle décrit aussi habilement les enlèvements communs à cette époque, femmes, enfants kidnappés par les indiens, parfois échangés contre des chevaux ou des armes. Leur retour difficile à la vie occidentale. La vie difficile de ces tribus en voie de disparition, le dur labeur des femmes. La nouvelle Une sœur disparue est particulièrement touchante, j'ai aussi beaucoup aimé Et toujours se moquer du danger ou Un homme nommé cheval. La nouvelle est bien meilleure que l'adaptation cinématographique.

Cicatrices d'honneur est une nouvelle située plus récemment, lors de la seconde guerre mondiale lorsque de jeunes indiens partent au combat et désirent renouer avec leurs croyances perdues et les rites ancestraux (le passage de l'enfant à l'homme, l'auto-mutilation, etc.).

Jamais Dorothy M.Johnson ne juge-t-elle ses personnages, ni leurs pensées, ni leurs actions - qu'ils soient blancs ou indiens, elle vous relate juste très précisément cette époque. Et moi qui ai grandi en regardant les western devant mon petit écran, j'ai adoré lire ces nouvelles. Comme Kevin Costner, dans Danse avec les loups - elle dresse un portrait très fidèle de la culture indienne. Ce soin apporté à la réalité fera d'elle un membre honoraire de la tribu Blackfoot en 1959.

La bonne nouvelle ? Gallmeister va publier l'an prochain un autre recueil La colline des potences.

21 octobre 2012

Lonesome Dove

"Tout comme Faulkner symbolise la littérature sudiste, McMurtry donne à l'Ouest ses lettres de noblesse" THE NEW YORK TIMES. 

Larry McMurtry a remporté le Prix Pulitzer en 1986 pour ce merveilleux roman. Comme moi devant les western diffusés sur France 3 le dimanche soir dans la Dernière Séance, McMurtry a grandi fasciné par les légendes et les mythes de l'Ouest, sans doute entendu au sein même de sa famille, car il est né au Texas en 1936, fils et petit-fils d'éleveur. Prenant sa plume, il rend à cette époque un hommage sublime, magnifique, prenant, humain et humaniste, nostalgique et réaliste. Les mots me manquent pour vous décrire à quel point j'ai aimé ce roman.

Je n'avais jamais "lu" de western, j'aime beaucoup le genre cinématographique, je connaissais aussi les bandes-dessinées (qui sont nombreuses) mais c'est mon premier roman western. Un roman fleuve, en deux tomes de plus de six cent pages chacun.

Woodroow Call et Augustus McCrae sont d'anciens Texas Rangers de légende, mais se sont depuis retirés au fin fond du Texas, dans une bourgade nommée Lonesome Dove où ils dirigent un ranch pratiquement à l'abandon. Le retour d'un ancien ranger va les entrainer dans une épopée gigantesque : conduire un troupeau de plusieurs milliers de têtes de bétail volé au Mexique jusqu'au Montana, dans l'Ouest encore sauvage, au prix fort.

McMurtry m'a vite entrainé suivre les aventures de ces deux vieux rangers et de leurs jeunes compagnons de voyage, dont la belle Lorena, jeune prostituée qui va faire tourner plus d'une tête, Dish, Deets, Newt, et des tas d'autres. Ils se mettent en route, prêts à affronter les pires dangers que leur promet l'Ouest avec ses Indiens, ses grizzlis, son blizzard, son désert, ses tempêtes de sables, ses crues, ses serpents et que ne sais-je encore. L'auteur m'aura permis de faire de belles rencontres à chaque page, et au final craindre pour leurs vies, et parcourir des milliers de kilomètres avec eux à travers ce pays, à peine sorti de terre.

J'ai aimé chaque page, chaque ligne de ce roman. Je l'ai lu dans mes nombreux trajets entre le travail et chez moi, parfois deux pages, parfois une vingtaine d'affilées mais j'ai réservé la dernière trentaine à ce matin, au calme à la campagne. J'ai du dire au revoir à ces nouveaux amis, à cette contrée lointaine, dangereuse mais envoutante, à ces heures passées loin de ma vie, où j'étais à cheval à mener ce troupeau vers de nouveaux pâturages. J'ai craint pour leurs vies à chaque traversée de rivière, lors d'attaques ou de maladies. J'ai vécu l'épopée à leurs côtés.

Larry McMurtry a réussi un véritable tour de force, et il mérite amplement ce prix. Mais il n'est pas un débutant, il a écrit Tendres Passions et La Dernière Séance, adaptés au cinéma et a remporté l'Oscar du meilleure scénariste pour Le Secret de Brokeback Mountain.

Cet hymne à la vie, à la liberté et aux grands espaces est à lire absolument. Quand on m'avait demandé quel film était mon préféré, j'avais choisi Danse avec Les loups - la même période de l'histoire américaine, où une civilisation naissait au détriment d'une autre et où à chaque fois, je retrouve le sens du mot liberté. Mais cette fois-ci, dans la peau d'un cowboy.

Ma note : ♥ ♥ ♥ ♥ ♥